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la vérité de celles qui poursuivaient les Sénèque, et Lucain, et Silius Italicus. Ces critiques se rattachent trop bien au sujet de ce livre pour n’en pas toucher un mot. On accusait donc l’école espagnole d’afficher à un degré choquant ce que je nomme le caractère sémitique, c’est-à-dire l’ardeur, la couleur, le goût du grandiose poussé jusqu’à l’emphase, et une vigueur dégénérant en mauvais goût et en dureté.

Acceptons toutes ces attaques. On a remarqué déjà combien elles étaient méritées par le génie des peuples mélanisés. Il n’y a donc pas lieu de les repousser quand il s’agit des œuvres de ce génie sur le sol espagnol, car on ne perd pas de vue que nous observons ici une poésie et une littérature qui ne florissaient dans la péninsule ibérique que là où il y avait du sang noir largement infusé, c’est-à-dire sur le littoral du sud. En conséquence, retournant le fait pour le faire entrer dans le rang de mes démonstrations, j’observe de nouveau combien la poésie, la littérature, sont plus fortes, et en même temps plus défectueuses par exubérance, partout où le sang mélanien se trouve abondamment, et, suivant cette veine, il n’y a qu’à passer jusqu’à la province qui marqua le plus dans les lettres après l’Espagne, ce fut l’Afrique (1)[1].

Là, autour de la Carthage romaine, la culture de l’imagination et de l’esprit était une habitude et, pour ainsi dire, un besoin général. Le philosophe Annæus Cornutus, né à Leptis, Septimius Sévérus, de la même ville, l’Adrumétain Salvius Julianus, le Numide Cornélius Fronton, précepteur de Marc-Aurèle, et enfin Apulée, élevèrent au plus haut point la gloire de l’Afrique dans la période païenne, tandis que l’Église militante dut à cette contrée de bien puissants et bien illustres apologistes dans la personne des Tertullien, des Minutius Félix, des saint Cyprien, des Arnobe, des Lactance, des saint Augustin. Chose plus remarquable encore : quand les invasions germaniques couvrirent de leurs masses régénératrices la face du monde occidental, ce fut sur les points où l’élément sémitique



(1) Am. Thierry, la Gaule sous l’administr. rom. Introd., t. I, p. 182 et seqq.

  1. (1) Am. Thierry, la Gaule sous l’administr. rom. Introd., t. I, p. 182 et seqq.