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plus, qui plus tard, du reste, leur porta grand préjudice, ce fut leur affectation de goûts littéraires, quand personne autre ne se souciait plus de savoir ce que c’était qu’un livre. Rome comptait parmi ses illustrations civiles des amateurs très prétentieux ; mais, sur ce point encore, Rome n’était plus le champ fécond de la littérature latine. Avouons aussi qu’elle ne l’avait jamais été.

À compter tous les beaux génies qui ont illustré les muses ausoniennes, poètes, prosateurs, historiens ou philosophes, depuis le vieux Ennius et Plaute, peu sont nés dans les murs de la Ville ou appartinrent à des familles urbaines. C’était une sorte de stérilité décidée, jetée comme une malédiction sur le sol de la cité guerrière, qui pourtant, il faut lui rendre cette justice, accueillit toujours noblement, et d’une façon conséquente au génie utilitaire du premier esprit italique, tout ce qui put rehausser sa splendeur. Ennius, Livius, Andronicus, Pacuvius, Plaute et Térence n’étaient pas Romains. Ne l’étaient pas non plus : Virgile, Horace, Tite-Live, Ovide, Vitruve, Cornélius Népos, Catulle, Valérius Flaccus, Pline. Encore bien moins cette pléiade espagnole venue à Rome avec ou après Portius Latro, les quatre Sénèque, le père et les trois fils, Sextilius Héna, Statorius Victor, Sénécion, Hygin, Columelle, Pomponius Méla, Silius Italicus, Quintilien, Martial, Florus, Lucain, et une longue liste encore (1)[1].

Les puristes urbains trouvaient toujours quelque chose à redire aux plus grands écrivains. Ceux de ces derniers qui venaient d’Italie avaient de trop la saveur du terroir, qui rendait leur style provincial. Ce reproche était plus mérité encore par les Espagnols. Toutefois la vogue de personne n’en était diminuée, et le mérite, quoi qu’on en ait dit depuis cent ans chez nous, était tout aussi reconnu chez les poètes de Cordoue que s’ils avaient écrit justement comme Cicéron. Nous ne pouvons trop juger la portée des critiques adressées au Padouan Tite-Live, mais nous sommes parfaitement en mesure de constater



(1) Am. Thierry, la Gaule sous l’administration romaine, t. I, p. 200 et pass.

  1. (1) Am. Thierry, la Gaule sous l’administration romaine, t. I, p. 200 et pass.