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Quand les affaires du Nord prirent une importance majeure, Trèves devint la résidence ordinaire des chefs de l’État. Milan en reçut ensuite le titre officiel, et, cependant, que devenait Rome ? Rome gardait un sénat pour jouer dans les affaires un rôle triste, passif, et tel qu’un grand seigneur imbécile, produit adultérin des affranchis de ses aïeules, mais protégé par les souvenirs de son nom, peut encore l’avoir. De fait, ce sénat servait à peu de choses. Quelquefois, quand on y songeait, on le priait de reconnaître les empereurs issus de la volonté des légions. Des lois formelles interdisaient aux membres de la curie le métier des armes, et comme d’autres lois, en apparence bienveillantes, excluaient tous les Italiotes du service militaire actif, ces honnêtes sénateurs, qui d’ailleurs n’avaient rien de commun avec les pères conscrits des temps passés (1)[1], n’auraient pas rencontré de soldats qui les connussent, s’ils avaient voulu de force se faire chefs d’une armée. Réduits pour toute occupation à la plus médiocre intrigue, ils ne trouvaient dans le monde personne qu’eux-mêmes pour croire à leur importance. Quand, par un malheur, quelque prince les employait dans ses combinaisons, leur autorité d’emprunt ne manquait jamais de les conduire à quelque abîme. Malheureux hommes, parvenus de hasard, vieillards sans dignité, ils aimaient encore à parader dans leurs séances oiseuses, combinant des périodes et jouant à l’éloquence dans ces jours terribles où l’empire n’appartenait qu’aux poignets vigoureux.

Ces sénateurs impuissants auraient pu s’avouer un défaut de



(1) « Iisdem diebus in numerum patriciorum adscivit Cæsar (Claudius) vetustissimum quemque e senatu aut quibus clari parentes fuerant ; paucis jam reliquis familiarum quas Romulus majorum et L. Brutus minorum gentium appellaverant ; exhaustis etiam quæ dictator Cæsar lege Cassia et princeps Augustus lege Sænia, sublegere. » (Tac., Ann., XI, 25.) Claude venait de déclarer que, l’ancienne coutume de la république étant de s’adjoindre tous les chefs des peuples conquis, les Gaulois pouvaient être reçus dans le sénat, et il y avait admis les Éduens. (Ibidem, 24.) Il est à remarquer que les plus vieilles maisons de Rome, les plus illustres avaient à peine six cents ans de durée, et on en comptait bien peu qui fussent dans ce cas, tant la fusion des races italiotes avait été rapide.

  1. (1) « Iisdem diebus in numerum patriciorum adscivit Cæsar (Claudius) vetustissimum quemque e senatu aut quibus clari parentes fuerant ; paucis jam reliquis familiarum quas Romulus majorum et L. Brutus minorum gentium appellaverant ; exhaustis etiam quæ dictator Cæsar lege Cassia et princeps Augustus lege Sænia, sublegere. » (Tac., Ann., XI, 25.) Claude venait de déclarer que, l’ancienne coutume de la république étant de s’adjoindre tous les chefs des peuples conquis, les Gaulois pouvaient être reçus dans le sénat, et il y avait admis les Éduens. (Ibidem, 24.) Il est à remarquer que les plus vieilles maisons de Rome, les plus illustres avaient à peine six cents ans de durée, et on en comptait bien peu qui fussent dans ce cas, tant la fusion des races italiotes avait été rapide.