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Les peuples se trouvaient ainsi ménagés autant que possible dans leurs intérêts, dans leurs croyances, dans leurs notions du droit, dans leur répugnance à obéir toujours aux mêmes noms étrangers ; bref, il semblait qu’il ne leur manquât rien en fait de principes négatifs. On leur avait donné une religion qui n’en était pas une, une législation qui n’appartenait à aucune race, des souverains fournis par le hasard, et qui ne se réclamaient que d’une force momentanée. Et, cependant, que l’on s’en fût tenu là en fait de concessions, deux points auraient pu blesser encore. Le premier, si l’on eût conservé à Rome les anciens trophées : les provinciaux y auraient ravivé le souvenir de leurs défaites ; le second, si la capitale du monde était restée dans les mêmes lieux d’où s’étaient élancés les vainqueurs disparus. Le régime impérial comprit ces délicatesses et leur donna pleine satisfaction.

L’engouement des derniers temps de la république pour le grec, la littérature grecque et les gloires de la Grèce, avait été poussé jusqu’à l’extrême. Au temps de Sylla, il n’y avait homme de bien qui n’affectât de considérer la langue latine comme un patois grossier. On parlait grec dans les maisons qui se respectaient. Les gens d’esprit faisaient assaut d’atticisme, et les amants qui savaient vivre se disaient, dans leurs rendez-vous : ψυχή μου, au lieu d’anima mea (1)[1].

Après l’empire établi, cet hellénisme alla se renforçant ; Néron s’en fit le fanatique. Les héros antiques de la Ville furent considérés comme d’assez tristes hères, et on leur préféra tout haut le Macédonien Alexandre et les moindres porte-glaives de l’Hellade. Il est vrai qu’un peu plus tard une réaction se fit en faveur des vieux patriciens et de leur rusticité ; mais on peut soupçonner cet enthousiasme de n’avoir été qu’une mode



cuisinier du roi de Sidon, qui s’était enfui en Béotie avec Harmonia, joueuse de flûte de ce même monarque. (Bœttiger, Ideen zur Kunst-Mythologie, t. I, p. 187 et pass.) Le grand écueil de l’évhémérisme, c’est d’avancer des explication qui ont autant besoin de preuves que les faits qu’ils prennent à partie.

(1) Pétrone, Satyr., XXXVII : « Nunc nec quid nec quare in cœlum abiit et Trimalchionis tapanta est (τὰ παντα). »

  1. (1) Pétrone, Satyr., XXXVII : « Nunc nec quid nec quare in cœlum abiit et Trimalchionis tapanta est (τὰ παντα). »