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Mais il n’en pouvait être de même chez les Romains. Puisqu’il n’avait jamais existé au monde de nation romaine, de race romaine, il n’y avait jamais eu non plus, pour la cité qui ralliait le monde, de race paisiblement prédominante. Tour à tour, les Étrusques, mêlés au sang jaune, les Sabins, dont le principe kymrique était moins brillamment modifié que l’essence ariane des Hellènes, et enfin la tourbe sémitique avaient gagné le dessus dans la population urbaine. Les multitudes occidentales étaient vaguement réunies par l’usage commun du latin ; mais que valait ce latin, qui de l’Italie avait débordé sur l’Afrique, l’Espagne, les Gaules et le nord de l’Europe, en suivant la rive droite du Danube, et la dépassant quelquefois ? Ce n’était nullement le pendant du grec, même corrompu, répandu dans l’Asie antérieure jusqu’à la Bactriane, et même jusqu’au Pendjab ; c’était à peine l’ombre de la langue de Tacite ou de Pline ; un idiome élastique connu sous le nom de lingua rustica, ici se confondant avec l’osque, là s’appariant avec les restes de l’umbrique, plus loin empruntant au celtique et des mots et des formes, et, dans la bouche des gens qui visaient à la politesse du langage, se rapprochant le plus possible du grec. Un langage d’une personnalité si peu exigeante convenait admirablement aux détritus de toutes nations forcées de vivre ensemble et de choisir un moyen de communiquer. Ce fut pour ce motif que le latin devint la langue universelle de l’Occident, et qu’en même temps on aura toujours quelque peine à décider s’il a expulsé les langues indigènes, et, dans ce cas, l’époque où il s’est substitué à elles, ou bien s’il s’est borné à les corrompre et à s’enrichir de leurs débris. La question demeure si obscure qu’on a pu soutenir en Italie cette thèse, vraie sous beaucoup de rapports, que la langue moderne exista de tous temps parallèlement au langage cultivé de Cicéron et de Virgile.

Ainsi cette nation qui n’en était pas une, cet amas de peuples dominé par un nom commun, mais non pas par une race



Séleucides fussent amenés par fanatisme religieux à persécuter les Juifs. (Voir Bœttiger, ouvr. cité, t. I, p. 28.)