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les colonies, en si grand nombre, qui s’abattirent sur le pays, devinrent de véritables garnisons, agissant vigoureusement pour la diffusion du sang et de la culture asiatiques. Dans ces municipes gaulois où tout, depuis la langue officielle jusqu’aux costumes, jusqu’aux meubles, était romain, où l’indigène était tellement considéré comme un barbare que ce pouvait être un sujet de vanité pour un grand que de devoir le jour à l’intrigue de sa mère avec un homme d’Italie (1)[1] ; dans ces rues bordées de maisons à la mode grecque et latine, personne ne s’étonnait de voir, gardant le pays et circulant partout, des légionnaires nés en Syrie ou en Égypte, de la cavalerie cataphracte recrutée chez les Thessaliens, des troupes légères arrivant de Numidie, et des frondeurs baléares. Tous ces guerriers exotiques, au teint cuivré de mille nuances ou même noirs, passaient incessamment du Rhin aux Pyrénées, et modifiaient la race à tous les degrés sociaux.

Tout en démontrant l’impuissance du sang celtique et sa passivité dans l’ensemble du monde romain, il ne faut pas pousser les choses trop avant, et méconnaître l’influence conservée par la civilisation kymrique sur les instincts de ses métis. L’esprit utilitaire des Galls, bien qu’agissant dans l’ombre, qui ne lui est d’ailleurs que favorable, continua à croître et à soutenir l’agriculture, le commerce et l’industrie. Pendant toute la période impériale, la Gaule eut dans ce genre, mais dans ce genre seul, de perpétuels succès. Ses étoffes communes, ses métaux travaillés, ses chars, continuèrent à jouir d’une vogue générale. Portant son intelligence sur les questions industrielles et mercantiles, le Celte avait gardé et même perfectionné ses antiques aptitudes. Par-dessus tout, il était brave, et l’on en faisait aisément un bon soldat, qui allait tenir garnison le plus ordinairement en Grèce, dans la Judée, au bord



(1) Am. Thierry, Hist. de la Gaule sous l’administrat. rom., t. I, p. 13. — Tac., Hist., IV, 55 : « Sabinus, super insitam vanitatem, falsæ stirpis gloria incendebatur : proaviam suam divo Julio, per Gallias bellanti, corpore atque adulterio placuisse. » Ce qui rendait cette prétention encore plus bizarre, c’est que Sabinus ne la faisait valoir que pour faire mieux sentir ses droits à diriger une insurrection contre la puissance romaine.

  1. (1) Am. Thierry, Hist. de la Gaule sous l’administrat. rom., t. I, p. 13. — Tac., Hist., IV, 55 : « Sabinus, super insitam vanitatem, falsæ stirpis gloria incendebatur : proaviam suam divo Julio, per Gallias bellanti, corpore atque adulterio placuisse. » Ce qui rendait cette prétention encore plus bizarre, c’est que Sabinus ne la faisait valoir que pour faire mieux sentir ses droits à diriger une insurrection contre la puissance romaine.