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d’hommes que l’on supposait libres, mais qui en réalité menaient la vie d’esclaves. En peu d’années, la Province se trouva aussi bien transfigurée et sémitisée que nous voyons aujourd’hui la ville d’Alger être devenue, après vingt ans, une ville française.

Ce que désormais on appela Gaulois ne désigna plus un Gall, mais seulement un habitant du pays possédé autrefois par les Galls, de même que, lorsque nous disons un Anglais, nous n’entendons pas indiquer un fils direct des Saxons à longues barbes rouges, oppresseurs des tribus bretonnes, mais un homme issu du mélange breton, frison, anglais, danois, normand, et, par conséquent, moins Anglais que métis. Un Gaulois de la Province représenta, à prendre les choses au pied de la lettre, le produit sémitisé des éléments les plus disparates ; un homme qui n’était ni Italiote, ni Grec, ni Asiatique, ni Gall, mais de tout cela un peu, et qui portait dans sa nationalité, formée d’éléments inconciliables, cet esprit léger, ce caractère effacé et changeant, stigmate de toutes les races dégénérées. L’homme de la Province était peut-être le spécimen le plus mauvais de tous les alliages opérés dans le sein de la fusion romaine ; il se montrait, entre autres exemples, très inférieur aux populations du littoral hispanique.

Celles-ci avaient au moins plus d’homogénéité. Le fond ibère s’était marié avec un apport très puissant de sang directement sémitique où la dose des éléments mélaniens était forte. Au fond des provinces que les invasions anciennes avaient rendues celtiques, l’aptitude à embrasser la civilisation hellénisée resta toujours faible ; mais, sur le littoral, le penchant contraire se trouva très marqué. Les colonies implantées par les Romains, venant d’Asie et de Grèce, peut-être encore d’Afrique, trouvèrent assez facilement accueil, et, tout en gardant un caractère particulier que lui assuraient les mélanges ibères et celtiques, déposés au fond de sa nature, le groupe d’Espagne se haussa sur un degré honorable de la civilisation romano-sémitique (1)[1]. Même, à un certain moment, on le verra devancer

  1. (1) Am. Thierry, la Gaule sous l’administr. rom. Introd., t. I, p. 115 et pass., 166, 211.