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Mais avec quels éléments créa-t-on ces gens de la Province, ou, comme ils s’appelaient eux-mêmes, ces véritables Romains ? Deux siècles plus tôt, on aurait pu composer leur sang d’un mélange italiote. Désormais, le mélange italiote lui-même étant presque absorbé dans les apports sémitisés, ce fut surtout de ces derniers que se forma la nouvelle population. On y mêla, en foule, d’anciens soldats recrutés en Asie ou en Grèce. Ceux-ci vinrent, avec leurs familles, déposséder les habitants du sol, leur prendre leurs chaumières et leurs cultures, et essayer, avec cette fortune conquise, de fonder pour l’avenir souche d’honnêtes gens. On donna aux villes gauloises une physionomie aussi romaine que possible ; on défendit aux habitants de conserver ce que les pratiques druidiques avaient de trop violent ; on les força de croire que leurs dieux n’étaient autres que les dieux romains ou grecs défigurés par des noms barbares, et, en mariant les jeunes Celtes aux filles des colons et des soldats, en obtint bientôt une génération qui aurait rougi de porter les mêmes noms que ses ancêtres paternels et qui trouvait les appellations latines bien plus belles.

Avec les groupes sémitiques attirés sur le sol gallique par l’action directe du gouvernement, il y eut encore plusieurs classes d’individus dont le séjour temporaire ou l’établissement fortuit et permanent vinrent contribuer à transformer le sang gallique. Les employés militaires et civils de la république apportèrent, avec leurs mœurs faciles, de grandes causes de renouvellement dans la race. Les marchands, les spéculateurs arrivèrent aussi ; ceux qui faisaient le commerce d’esclaves ne se rendirent pas les moins actifs, et la déroute morale des Galls fut achevée, comme l’est aujourd’hui celle des indigènes de l’Amérique, par le contact d’une civilisation inacceptable par ceux à qui elle était offerte, tant que leur sang restait pur, et partant leur intelligence fermée aux notions étrangères.

Tout ce qui était romain ou métis romain devint maître absolu. Les Celtes ou bien s’en allèrent chercher des mœurs analogues aux leurs chez leurs parents du centre des Gaules, ou bien tombèrent dans la foule des travailleurs ruraux, espèce