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recevrait de sa main, pour être matée à jamais, des chefs inflexibles et des maîtres résolus.

Il serait dur d’avoir à reconnaître que de tels moyens se soient trouvés bons. Lui-même il cessa de le croire. Au bout d’une longue carrière, après des efforts dont l’intensité se mesure aux violences qu’ils accumulèrent, Sylla, désespérant de l’avenir, triste, épuisé, découragé, déposa de lui-même la hache de la dictature, et, se résignant à vivre inoccupé au milieu de cette population patricienne ou plébéienne que sa vue seule faisait encore frémir, il prouva du moins qu’il n’était pas un ambitieux vulgaire, et qu’ayant reconnu l’inanité de ses espérances, il ne tenait pas à garder un pouvoir stérile. Je n’ai pas d’éloges à donner à Sylla, mais je laisse à ceux que ne frappe pas d’une respectueuse admiration le spectacle d’un tel homme, échouant dans une telle entreprise, le soin de lui reprocher ses excès.

Il n’y avait pas moyen qu’il réussît. Le peuple qu’il voulait ramener aux mœurs et à la discipline des vieux âges ne ressemblait en rien au peuple républicain qui les avait pratiquées. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les éléments ethniques des temps de Cincinnatus à ceux qui existaient à l’époque où vécut le grand dictateur.



(1) Quand, sous Néron, il fut question au sénat de restreindre les droits des affranchis, on rencontra beaucoup d’oppositions basées sur des raisons très dignes d’être rapportées ici comme aveux complets de la part des patriciens : « Disserebatur contra paucorum culpam ipsis exitiosam esse debere, nihil universorum juri derogandum ; quippe late fusum id corpus ; hinc plerumque tribus, decurias, ministeria magistratibus et sacerdotibus, cohortes etiam in urbe conscriptas ; et plurimis equitum, plerisque senatoribus, non aliunde originem trahi. Si separarentur libertini, manifestata fore penuriam ingenuorum. » (Tac., Ann., XIII, 27.) Déjà du temps de Cicéron, l’usage s’était introduit d’affranchir un esclave après six ans de bons services et de bonne conduite. À dater de la même époque, un Romain de la classe riche se faisait un devoir en mourant de donner la liberté à toute sa maison, et l’opinion publique considérait cet acte comme une affaire de conscience. (Zumpt, loc. cit., p. 30.) Il me semble bien difficile de ne pas conclure de ces faits que la décadence de l’esclavage dans tout pays est correspondante à la confusion des races, et résulte directement de la parenté de plus en plus proche entre les maîtres et les serviteurs.



(1) Quand, sous Néron, il fut question au sénat de restreindre les droits des affranchis, on rencontra beaucoup d’oppositions basées sur