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politiques (1)[1], vide de vertus privées ; sans peur pour lui, pour les autres ; pour les autres pas plus que pour lui, il n’avait de faiblesse. Un but à saisir, un obstacle à écarter, une volonté à réaliser, il n’apercevait rien en dehors. Ce qu’il fallait briser de choses ou d’hommes pour faire pont n’entrait pas dans ses calculs. Arriver, c’était tout, et, après, reprendre l’essor.

Les dispositions impitoyables de son sang, de sa race, s’étaient d’ailleurs fortifiées à l’odieux contact de ce soldat que, dans la personne bestiale de Marius, le parti populaire opposait à ses desseins.

Sylla n’était pas allé chercher dans les théories idéales le plan du régime régénérateur qu’il se proposait d’imposer. Il voulait simplement restaurer en son entier la domination patricienne, et, par ce moyen, rendre l’ordre avec la discipline à la république raffermie. Il s’aperçut bientôt que le plus difficile n’était pas de mettre en déroute les émeutes ou même les armées plébéiennes, mais bien de trouver une aristocratie digne de la grande tâche qu’il voulait lui livrer. Il lui fallait des Fabius, il lui fallait des Horaces ; il eut beau les appeler, il ne les fit pas sortir de ces maisons luxueuses où résidaient leurs images, et, comme il ne reculait devant rien, il voulut recréer les nobles qu’il ne trouvait plus.

On le vit alors, plus redoutable à ses amis qu’à ses rivaux, tailler et retailler d’un bras impitoyable l’arbre de la noblesse romaine. Pour rendre la virilité à un corps appauvri, il fit tomber les têtes par centaines, ruina, exila ceux qu’il ne mit pas à mort, et traita avec la dernière férocité bien moins les gens de la plèbe, francs ennemis, que les grands, obstacles directs de ses desseins par leur impuissance à les servir. À force de receper le vieux tronc, il s’imaginait en tirer des bourgeons nouveaux, porteurs d’autant de suc que ceux d’autrefois. Il espérait qu’après avoir élagué les branches indignes, il réussirait, à force d’effrayer, à faire des braves, et qu’ainsi la démocratie



(1) Dion. Cass., Hist. rom., Hamb. CIƆIƆCCL, in-fol., t. I, p. 47, fragm. CXVII : Αὐτὸς (Σύλλας) τε οὖν καίτοι δεινότατος ὢν τάς τε γνώμας τῶν ἀνθρώπων συνιδεῖν... — Dion Cassius est un écrivain très démocratique et fort ennemi du dictateur.

  1. (1) Dion. Cass., Hist. rom., Hamb. CIƆIƆCCL, in-fol., t. I, p. 47, fragm. CXVII : Αὐτὸς (Σύλλας) τε οὖν καίτοι δεινότατος ὢν τάς τε γνώμας τῶν ἀνθρώπων συνιδεῖν... — Dion Cassius est un écrivain très démocratique et fort ennemi du dictateur.