Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la ville, ce ne fut plus du sang celtique plus ou moins altéré, mais des éléments sémitiques ou sémitisés. La corruption s’accumula à grands flots. Rome, entrant en communion étroite avec les idées orientales, augmentait, avec le nombre de ses éléments constitutifs, la difficulté déjà grande de les amalgamer jamais. De là, tendances irrésistibles à l’anarchie pure, au despotisme, à l’énervement, et, pour conclure, à la barbarie ; de là, haine chaque jour mieux prononcée pour ce que le gouvernement ancien avait de stable, de conséquent et de réfléchi.

Rome sabine avait été marquée, vis-à-vis de la Grèce, d’une originalité tranchée dans sa physionomie ; désormais ses idées, ses mœurs, perdent graduellement cette empreinte. Elle devient à son tour hellénistique, comme jadis la Syrie, l’Égypte, bien qu’avec des nuances particulières. Jusqu’alors, bien modeste dans toutes les choses de l’esprit, quand ses armes commandaient aux provinces, elle s’était souvenue avec déférence que les Étrusques étaient la nation cultivée de l’Italie, et elle avait persisté à apprendre leur langue, à imiter leurs arts, à leur emprunter savants et prêtres, sans s’apercevoir que, sur beaucoup de points, l’Étrurie répétait assez mal la leçon des Grecs, et d’ailleurs que les Grecs eux-mêmes traitaient de suranné et de hors de mode ce que les Étrusques continuaient à admirer sur la foi des modèles anciens. Graduellement Rome ouvrit les yeux à ces vérités, elle renia ses antiques habitudes vis-à-vis des descendants asservis de ses fondateurs. Elle ne voulut plus entendre parler de leurs mérites, et prit un engouement



en sa parole, les provinces s'attachèrent à lui. Elles lui rendirent promesses pour promesses, espérance pour espérance. Il se forma entre elles et les agitateurs des derniers temps de la république des liens analogues à ceux qui avaient, un siècle auparavant, compromis les alliés latins dans les entreprises des Gracques. On peut se rappeler avec quel héroïsme l'Espagne adopta et défendit de son sang les derniers chefs du parti de Marius. Catilina lui-même parvint à enrôler sous son drapeau la province gauloise cisalpine, et déjà il entraînait quelques parties de la transalpine, réduites aussi en province. » — Le parti démocratique à Rome, outre qu'il tendait essentiellement à la destruction de la forme républicaine, résultat qu'il obtint, était aussi avec ferveur ce que la phraséologie moderne appellerait le parti de l'étranger.