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ses avantages ; c’est le préparateur des grandes conquêtes, des grandes adjonctions par l’extension du droit civique aux villes étrangères ; c’est, en un mot, le politique pratique qui comprendra plus tard la nécessité du régime impérial, et se trouvera heureux de le voir éclore, échangeant volontiers l’honneur de se gouverner, et le monde avec soi, pour les mérites plus solides d’une administration mieux ordonnée. Les écrivains à grands sentiments n’ont jamais eu la moindre intention de louer ce plébéien toujours égoïste au milieu de son amour pour l’humanité, et si médiocre dans ses grandeurs.

Tant que le sang italiote, ou même gaulois, ou, encore, celui de la Grande-Grèce, se trouvèrent seuls à satisfaire les besoins de la politique plébéienne, en affluant dans Rome et dans les villes annexées, la constitution républicaine et aristocratique ne perdit pas ses traits principaux. Le plébéien d’origine sabine ou samnite désirait l’agrandissement de son rôle sans vouloir abroger complètement le régime du patriciat, dont ses idées ethniques sur la valeur relative des familles, dont ses doctrines raisonnables en matière de gouvernement lui faisaient apprécier les irremplaçables avantages. La dose de sang hellénique qui se glissait dans cet amalgame avivait le tout, et n’avait pas encore réussi à le dominer.

Après le coup d’éclat qui termina les guerres puniques, la scène changea. L’ancien sentiment romain commença à s’altérer d’une manière notable : je dis s’altérer, et non plus se modifier. Au sortir des guerres d’Afrique, vinrent les guerres d’Asie. L’Espagne était déjà acquise à la république. La Grande-Grèce et la Sicile tombèrent dans son domaine, et ce que l’hospitalité intéressée du parti plébéien (1)[1] fit désormais affluer



(1) Am. Thierry, la Gaule sous l’administration romaine, Introduct., t. I, p. 62 : « Il serait injuste, sans doute, de faire peser sur les hommes du parti patricien tout l’odieux de ces abominables excès (les rapines de Verrès et de ses pareils). Le parti populaire ne possédait assurément ni tant de désintéressement ni tant de vertu ; mais, comme les accusations contre les vols publics et les réclamations en faveur des provinciaux sortirent presque toujours de ses rangs, comme il promettait beaucoup de réformes, que l’appui qu’il avait prêté aux Italiens avant et depuis la guerre sociale inspirait confiance

  1. (1) Am. Thierry, la Gaule sous l’administration romaine, Introduct., t. I, p. 62 : « Il serait injuste, sans doute, de faire peser sur les hommes du parti patricien tout l’odieux de ces abominables excès (les rapines de Verrès et de ses pareils). Le parti populaire ne possédait assurément ni tant de désintéressement ni tant de vertu ; mais, comme les accusations contre les vols publics et les réclamations en faveur des provinciaux sortirent presque toujours de ses rangs, comme il promettait beaucoup de réformes, que l’appui qu’il avait prêté aux Italiens avant et depuis la guerre sociale inspirait confiance en sa parole, les provinces s'attachèrent à lui. Elles lui rendirent promesses pour promesses, espérance pour espérance. Il se forma entre elles et les agitateurs des derniers temps de la république des liens analogues à ceux qui avaient, un siècle auparavant, compromis les alliés latins dans les entreprises des Gracques. On peut se rappeler avec quel héroïsme l'Espagne adopta et défendit de son sang les derniers chefs du parti de Marius. Catilina lui-même parvint à enrôler sous son drapeau la province gauloise cisalpine, et déjà il entraînait quelques parties de la transalpine, réduites aussi en province. » — Le parti démocratique à Rome, outre qu'il tendait essentiellement à la destruction de la forme républicaine, résultat qu'il obtint, était aussi avec ferveur ce que la phraséologie moderne appellerait le parti de l'étranger.