Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/249

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de tant de batailles gagnées contre les ennemis de la majesté romaine, qui a sacrifié non seulement ses membres, mais sa fortune, celle de sa famille, et quelquefois ses enfants, et, quelquefois même, a tué ses fils de sa propre main pour un manquement aux lois austères du devoir civique ; lorsqu’ils représentent cet homme des anciens âges, honoré jadis de la robe triomphale, une ou deux fois consul, questeur, édile, sénateur héréditaire, et préparant, de cette même main qui ne trouva jamais trop lourdes l’épée et la lance, les raves de son souper (1)[1], puis, avec cette rectitude de jugement, cette froide raison si utile à la république, calculant les intérêts de ses prêts usuraires, d’ailleurs méprisant les arts et les lettres, et ceux qui les cultivent, et les Grecs qui les aiment : ce vieillard, cet homme vénérable, ce citoyen idéal, ce n’est jamais qu’un patricien, qu’un vieux sabin. L’homme du peuple est, au contraire, ce personnage actif, hardi, intelligent, rusé, qui, pour renverser ses chefs, cherche d’abord à leur enlever le monopole judiciaire, y parvient, non pas par la violence, mais par l’infidélité et le vol ; qui, exaspéré de l’énergique résistance des nobles, prend enfin le parti, non de les attaquer, la loi ne le veut pas, et il faudrait les tuer tous sans espoir d’en faire céder un seul, mais le parti de s’en aller pour ne revenir qu’après avoir commenté avec profit la fable des membres et de l’estomac. Le plébéien romain, c’est un homme qui n’aime pas la gloire autant que le profit (2)[2], et la liberté autant que



(1) ...............................

Gratus insigni referam Camœna,
Fabriciumque
Hunc, et incomptis Curtium capillis,
Utilem bello tulit, et Camillum,
Sæva paupertas, et avitus apto
Cum lare fundus.
Hor., Od. I, 12, 39.

(2) Il ne faut pas perdre de vue un seul instant, quand il s’agit de la Rome italiote, l’esprit profondément utilitaire de sa population. Les lois concernant les débiteurs, l’usure, le partage du butin et des terres conquises, voilà le fond, voilà l’essentiel de ses constitutions, et les causes réelles de plus d’une de ses agitations politiques. (Niebuhr, Rœm. Geshichte, t. I, p. 394 et pass. ; t. II, 22, 231, 310, etc.)

  1. (1) ...............................
    Gratus insigni referam Camœna,
    Fabriciumque
    Hunc, et incomptis Curtium capillis,
    Utilem bello tulit, et Camillum,
    Sæva paupertas, et avitus apto
    Cum lare fundus.
    Hor., Od. I, 12, 39.
  2. (2) Il ne faut pas perdre de vue un seul instant, quand il s’agit de la Rome italiote, l’esprit profondément utilitaire de sa population. Les lois concernant les débiteurs, l’usure, le partage du butin et des terres conquises, voilà le fond, voilà l’essentiel de ses constitutions, et les causes réelles de plus d’une de ses agitations politiques. (Niebuhr, Rœm. Geshichte, t. I, p. 394 et pass. ; t. II, 22, 231, 310, etc.)