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les crises les plus graves s’accomplissaient dans son enceinte, je ne dirai pas sans violences matérielles, car il y en eut beaucoup, mais sans destruction des lois. L’émeute triomphante ne fit jamais que modifier, et jamais ne renversa l’édifice légal de fond en comble, de telle sorte que ce patriciat si odieux à la plèbe, dès le lendemain de l’expulsion des Étrusques subsista jusque sous les empereurs, constamment détesté, constamment attaqué, affaibli par de perpétuelles atteintes, mais point assassiné : la loi ne le souffrait pas (1)[1].

Ces luttes, ces querelles avaient pour causes véritables les modifications ethniques subies sans cesse par la population urbaine, et pour modérateur la parenté plus ou moins lointaine de tous les affluents ; autrement dit, les institutions se modifiaient parce que la race variait, mais elles ne se transformaient pas du tout au tout, elles ne passaient pas d’un extrême à l’autre, parce que ces variations de race, n’étant encore que relatives, tournaient à peu près dans le même cercle. Ce n’est pas à dire que les oscillations perpétuelles ainsi entretenues dans l’État ne fussent pas senties ni comprises. Le patriciat se rendait parfaitement compte du tort que les incessantes adjonctions d’étrangers causaient à son influence, et il prit pour maxime fondamentale de s’y opposer autant que possible, tandis que le peuple, au contraire, également éclairé sur ce qu’il gagnait en nombre, en richesses, en savoir, à tenir grandes ouvertes les portes de la cité devant des nouveaux venus qui, repoussés par la noblesse, n’avaient rien à faire qu’à s’adjoindre à lui, le peuple, la plèbe, se montra partisan déclaré des gens du dehors (2)[2]. Elle aspira toujours à les attirer, et rendit ainsi éternel le principe qui avait jadis



(1) Je n’ai pas besoin d’ajouter que le patriciat subsista, mais non pas les races nobles sabines, sauf un bien petit nombre. Elles furent graduellement remplacées par des familles plébéiennes. Sous Tibère, Gallus pouvait dire avec vérité dans le sénat : « Distinctos senatus et equitum census, non quia diversi natura, sed ut locis, ordinibus, dignationibus antistent et aliis quæ ad requiem animi sur salubritatem corporum parentur. » (Tacit., Ann., II, 33.)

(2) Amédée Thierry, Hist. de la Gaule sous l’admin. rom., t. I, p. 3.

  1. (1) Je n’ai pas besoin d’ajouter que le patriciat subsista, mais non pas les races nobles sabines, sauf un bien petit nombre. Elles furent graduellement remplacées par des familles plébéiennes. Sous Tibère, Gallus pouvait dire avec vérité dans le sénat : « Distinctos senatus et equitum census, non quia diversi natura, sed ut locis, ordinibus, dignationibus antistent et aliis quæ ad requiem animi sur salubritatem corporum parentur. » (Tacit., Ann., II, 33.)
  2. (2) Amédée Thierry, Hist. de la Gaule sous l’admin. rom., t. I, p. 3.