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de moralité politique. Chez les plébéiens de Roma-Quirium, il s’agissait de moins encore : on ne voulait qu’obtenir des guerriers qui fussent en état de s’armer convenablement et de se suffire à eux-mêmes pendant une campagne.

Cette organisation, soutenue par les sympathies générales, ne put cependant que s’asseoir à côté des institutions tyrrhéniennes  ; elle ne parvint pas à les renverser. Il y avait encore trop de force dans la façon dont était combiné l’élément militaire et sacerdotal avec la puissance juridique. L’attaque, d’ailleurs, ne fut pas d’assez longue durée pour briser le faisceau et arracher le pouvoir aux races nobles. On y serait parvenu peut-être en recourant aux violences d’un coup de main. Il paraît qu’on ne voulut pas user de ce moyen contre des hommes que le pontificat revêtait d’un caractère sacré. Ce que les sociétés bien vivaces haïssent davantage, c’est l’impiété, et évitent le plus longtemps, c’est le sacrilège.

Servius Tullius et ses partisans, manquant donc de ce qu’il eût fallu pour vaincre complètement leur noblesse étrusque, se contentèrent de placer le code militaire nouveau auprès de l’ancien, laissant aux progrès de leur cause dans les autres cités rasènes le soin de fournir la possibilité d’aller plus loin. Ces espérances furent trompées. Bientôt l’opposition libérale en Etrurie, battue par le parti aristocratique, se trouva réduite à la soumission. Volsinii fut prise, et un des chefs les plus éminents de la révolte, Cœlius, ne se trouva d’autre ressource que de fuir, d’aller chercher quelque part un asile pour ses plus chauds partisans et pour lui-même.

Cet asile, quel pouvait-il être, sinon la ville étrusque qui, après Volsinii, avait montré le plus de dévouement à la révolution, et dû très probablement à sa position territoriale excentrique, à son isolement au delà du Tibre, d’en pousser le plus loin les doctrines et d’en appliquer le plus ouvertement les idées ? Rome vit ainsi accourir Mastarna, Cœlius, et leur monde  ; et le tuscus vicus, devenant le séjour de ces bannis (1)[1], agrandit encore l’enceinte d’une ville qui, au point de vue de

  1. (1) O. Muller, p. 116 et pass.