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le plus vigoureux à ce que la langue étrusque passât jamais le Tibre (1)[1]. Le nouveau dialecte, se posant comme une digue devant l’idiome envahisseur, fut toujours considéré par les grammairiens romains comme un type dont l’osque et le sabin, altérés de leur valeur première, étaient devenus des variétés, mais qui se tenait dans un dédaigneux éloignement de la langue des lucumons, traitée d’idiome barbare. Ainsi les Sicules, en tant qu’habitants plébéiens de Rome, ont été surtout les adversaires du génie des fondateurs, comme l’importation de leur langue devait être le plus grand empêchement à l’adoption du rasène.

Il n’est pas nécessaire de faire remarquer, sans doute, qu’il ne s’agit ici que d’un antagonisme organique, instinctif, entre les Sicules et les Étrusques, et nullement d’une lutte ouverte et matérielle. Assurément cette dernière n’aurait pas eu de chance de succès. Ce fut l’Étrurie elle-même qui, bien malgré elle, se chargea de jeter Rome naissante dans la voie des agitations politiques.

La petite colonie était, depuis son premier jour, l’objet des haines déclarées des peuples du Latium. Bien que l’attrait des avantages divers qu’elle avait à offrir, sa construction étrusque, son organisation du même cru et la civilisation de son patriciat eussent porté quelques peuplades assez misérables, les Crustumini, les Antemnati, les Cæninenses (2)[2], et, un peu plus tard, les Albains, à se fondre dans ses habitants, les vrais possesseurs du sol sabin la considéraient de très mauvais œil. Ils reprochaient à ses fondateurs d’être des gens de rien, de ne représenter aucune nationalité, et de n’avoir d’autre droit à



(1) O. Muller, die Etrusker, p. 66. — Il est, en effet, très remarquable que l'étrusque, resté toujours pour les Romains, et même au temps des empereurs, une espèce de langue sacrée, n'ait jamais pu se répandre chez eux. Cependant, jusque vers l'époque de Jules, les patriciens l'apprenaient et en faisaient cas comme d'un instrument de civilisation. Plus tard elle fut abandonnée aux augures. À aucun moment elle n'avait pu devenir populaire.

(2) Liv., I, 28. — Les Sabins de Tatius, pères des femmes enlevées, des Sabinæ mulieres, ne s'incorporèrent au nouvel État qu'après les trois tribus que je viens de nommer.

  1. (1) O. Muller, die Etrusker, p. 66. — Il est, en effet, très remarquable que l'étrusque, resté toujours pour les Romains, et même au temps des empereurs, une espèce de langue sacrée, n'ait jamais pu se répandre chez eux. Cependant, jusque vers l'époque de Jules, les patriciens l'apprenaient et en faisaient cas comme d'un instrument de civilisation. Plus tard elle fut abandonnée aux augures. À aucun moment elle n'avait pu devenir populaire.
  2. (2) Liv., I, 28. — Les Sabins de Tatius, pères des femmes enlevées, des Sabinæ mulieres, ne s'incorporèrent au nouvel État qu'après les trois tribus que je viens de nommer.