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fleuve, on ne pensait pas à créer une place de commerce qui ralliât plus tard les intérêts des deux parties nord et sud de l’Italie centrale, mais indifféremment sur le point qu’on put saisir, attendu que le résultat, pour les promoteurs de cette fondation, n’était que de faire passer le fleuve à leurs établissements. Ils s’en remettaient ensuite aux circonstances pour développer ce premier avantage (1)[1].

Comme il fallait agrandir trois hameaux destinés à devenir une ville, les deux fondateurs appelèrent, de toutes parts, les gens sans aveu. Ceux-ci, trop heureux de se créer des foyers, et, pour la plupart, Sabins ou Sicules errants, formèrent le gros des nouveaux citoyens.

Mais il n’aurait pas été conforme aux vues des directeurs de l’entreprise de laisser des races étrangères s’emparer de la tête de pont qu’ils jetaient dans le Latium. On donna donc à cette agglomération de vagabonds une noblesse tout étrusque. On reconnaît sa présence aux noms significatifs des Ramnes, des Luceres, des Tities (2)[2]. Le gouvernement local porta la même empreinte (3)[3]. Il fut sévèrement aristocratique, et l’élément religieux, ou, pour mieux dire, pontifical, s’y présenta strictement uni au commandement militaire, ainsi que le voulaient les notions sémitisées des Tyrrhéniens, si différentes, sur ce point, des idées galliques. Enfin, le pouvoir judiciaire, confondu avec les deux autres, fut également remis aux mains du



(1) Denys d’Halicarnasse remarque que plusieurs historiens ont appelé Rome une ville tyrrhénienne. Ces historiens avaient parfaitement raison de le faire, et ils exprimaient une vérité incontestable. Τὴν δὲ ‛Ρώμην αὔτην πόλλα τῶν συγγραφέων, Τυῤῥηνίδα πόλιν εἴναι ὑπέρβαλον. (I, XXIX.)

(2) O. Muller, die Etrusker, p. 381 et pass. — Cette opinion me paraît avoir tout avantage sur celle d’Abeken, qui voit dans les Ramnes les habitants primitifs du Palatin, dans les Luceres ceux du Cœlius, dans les Tities ceux du Capitole. (Ouvr. cité, p. 136.) Les deux opinions peuvent, du reste, se concilier, si l’on admet que les trois noms, également étrusques, ont été donnés non pas au gros des trois populations, mais seulement à leurs nobles, ce qui serait une conception parfaitement conforme aux idées italiotes et tyrrhéniennes. (O. Muller, ouvr. cité, p. 381 et pass.)

(3) Niebuhr, Rœm. Geschichte, t. I, p. 181.


  1. (1) Denys d’Halicarnasse remarque que plusieurs historiens ont appelé Rome une ville tyrrhénienne. Ces historiens avaient parfaitement raison de le faire, et ils exprimaient une vérité incontestable. Τὴν δὲ ‛Ρώμην αὔτην πόλλα τῶν συγγραφέων, Τυῤῥηνίδα πόλιν εἴναι ὑπέρβαλον. (I, XXIX.)
  2. (2) O. Muller, die Etrusker, p. 381 et pass. — Cette opinion me paraît avoir tout avantage sur celle d’Abeken, qui voit dans les Ramnes les habitants primitifs du Palatin, dans les Luceres ceux du Cœlius, dans les Tities ceux du Capitole. (Ouvr. cité, p. 136.) Les deux opinions peuvent, du reste, se concilier, si l’on admet que les trois noms, également étrusques, ont été donnés non pas au gros des trois populations, mais seulement à leurs nobles, ce qui serait une conception parfaitement conforme aux idées italiotes et tyrrhéniennes. (O. Muller, ouvr. cité, p. 381 et pass.)
  3. (3) Niebuhr, Rœm. Geschichte, t. I, p. 181.