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jusque dans la Campanie (1)[1], en prenant pour limite occidentale le cours inférieur du Tibre. Ainsi ils touchaient aux deux mers (2)[2]. L’État rasène devint, de la sorte, le plus puissant de la Péninsule, et même un des plus respectables de l’univers civilisé d’alors. Il ne se borna pas aux acquisitions continentales : il s’empara de plusieurs îles, porta des colonies sur la côte d’Espagne (3)[3]. Puissance maritime, il imita l’exemple des Phéniciens et des Grecs en couvrant les mers de navires tout à la fois commerçants et pirates (4)[4].

Avec des progrès si vastes, les Étrusques, déjà métis et fortement métis, soit qu’on les envisage dans leurs classes inférieures, soit qu’on décompose le sang de leur noblesse, ne s’étaient pas soustraits à de plus nombreux mélanges. Soumis au sort de toutes les nations dominatrices, ils avaient, à chacune de leurs conquêtes, annexé à leur individualité la masse des populations domptées, et des Umbres, des Sabins, des Ibères, des Sicules, probablement aussi beaucoup de Grecs, étaient venus se confondre dans la variété nationale, en en modifiant incessamment et les penchants et la nature.



(1) O. Muller, ouvr. cité, p. 178. — Ils restèrent fort longtemps à l’état de puissance prépondérante dans cette province, et n’en furent chassés que l’an 332 de Rome par les Samnites.

(2) Il existe des monuments tyrrhéniens en Corse et en Sardaigne. On en trouve encore sur la côte méridionale de l’Espagne, et le nom de Tarraco, Tarragone, est très vraisemblablement un indice d’autant moins à négliger que, non loin de cette cité, s’élève Suessa, qui rappelle les villes campaniennes de Suessa, Veseia et Sinuessa. (Abeken, ouvr. cité, p. 129.) Seulement, je ne suis pas aussi convaincu que cet auteur de l’origine tyrrhénienne des Sepolcri dei giganti en Sardaigne. On peut les revendiquer, sans grande difficulté, pour les Rasènes de la première formation, ou pour les Ibères. — Eu égard à la racine Tur, Turs, Tusc, il est à noter aussi qu’on la retrouve, aujourd’hui même, chez les Albanais. Entre Durazzo et Alessio on connaît une ville appelée Τυράννεα. Une autre encore existe aux environs de Kroja, dans l’Albanie méridionale, qui elle-même se nomme Τοσκερία, et ses habitants Τόσκοι. (Voir Hahn, Albanesische Studien, p. 232, 233. Cet auteur fait dériver ce mot de l’arnaute τουρρ, courir, se précipiter, d’où τούρρεις, le coureur, l’envahisseur.)

(3) O. Muller, p. 109 et pass. ; p. 178.

(4) Ibid., p. 105.

  1. (1) O. Muller, ouvr. cité, p. 178. — Ils restèrent fort longtemps à l’état de puissance prépondérante dans cette province, et n’en furent chassés que l’an 332 de Rome par les Samnites.
  2. (2) Il existe des monuments tyrrhéniens en Corse et en Sardaigne. On en trouve encore sur la côte méridionale de l’Espagne, et le nom de Tarraco, Tarragone, est très vraisemblablement un indice d’autant moins à négliger que, non loin de cette cité, s’élève Suessa, qui rappelle les villes campaniennes de Suessa, Veseia et Sinuessa. (Abeken, ouvr. cité, p. 129.) Seulement, je ne suis pas aussi convaincu que cet auteur de l’origine tyrrhénienne des Sepolcri dei giganti en Sardaigne. On peut les revendiquer, sans grande difficulté, pour les Rasènes de la première formation, ou pour les Ibères. — Eu égard à la racine Tur, Turs, Tusc, il est à noter aussi qu’on la retrouve, aujourd’hui même, chez les Albanais. Entre Durazzo et Alessio on connaît une ville appelée Τυράννεα. Une autre encore existe aux environs de Kroja, dans l’Albanie méridionale, qui elle-même se nomme Τοσκερία, et ses habitants Τόσκοι. (Voir Hahn, Albanesische Studien, p. 232, 233. Cet auteur fait dériver ce mot de l’arnaute τουρρ, courir, se précipiter, d’où τούρρεις, le coureur, l’envahisseur.)
  3. (3) O. Muller, p. 109 et pass. ; p. 178.
  4. (4) Ibid., p. 105.