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en rien leur pureté. Ibères, Étrusques, Vénètes, Illyriens, Celtes, engagés dans des guerres permanentes, devaient tous, à chaque instant, perdre ou gagner du terrain. C’était l’état ordinaire. Cette situation s’empirait par l’effet des mœurs sociales qui avaient créé, sous le nom de printemps sacré, une cause puissante de confusion ethnique. À l’occasion d’une disette ou d’un surcroît de population, une tribu vouait à un dieu quelconque une partie de sa jeunesse, lui mettait les armes à la main, et l’envoyait se faire une nouvelle patrie aux dépens du voisinage. Le dieu patron était chargé de l’y aider (1)[1]. De là des conflits perpétuels qui, enfin, s’empirèrent par l’effet et le contre-coup de grands événements dont la source inconnue se cachait fort loin dans le nord-est du continent.

De tumultueuses nations de Galls transrhénans, probablement chassées par d’autres Galls que dérangeaient des Slaves harcelés par des Arians ou des peuples jaunes, firent invasion au delà du fleuve, poussèrent sur leurs congénères, entrèrent en partage de leurs territoires, et, bon gré, mal gré, se culbutant avec eux, parvinrent, les armes à la main, jusque sur la Garonne, où leur avant-garde s’établit de force au milieu des vaincus. Puis ces derniers, mal contents d’un domaine devenu trop étroit, se portèrent en masse du côté des Pyrénées, les franchirent en longeant les côtes du golfe de Gascogne, et allèrent imposer aux Ibères une pression toute semblable à celle dont ils venaient de souffrir eux-mêmes.

Les Ibères, à leur tour, malmenés, s’ébranlèrent. Après s’être débattus et mêlés en partie à leurs conquérants, voyant leur pays insuffisant pour sa nouvelle population, ils partirent, non plus seulement Ibères, mais aussi Celtibères, sortirent par l’autre extrémité des montagnes, c’est-à-dire par les plages orientales de la Méditerranée, et, vers l’an 1600 avant notre ère, se répandirent sur les parties maritimes du Roussillon et de la Provence. Pénétrant ensuite en Italie par la côte génoise, se montrant en Toscane, enfin passant où ils purent

  1. (1) Dionys. Halic., Ant. Rom., I, XVI.