Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait été légué par leurs pères, cette série de productions qui a, en effet, réussi dans toute l’Europe, mais qui a dû son vaste succès à ce motif même qu’elle ne reflétait pas les tendances absolues d’une race spéciale et isolée : tout au contraire, elle était à la fois le produit de la pensée celtique, romaine et germanique, et de là son immense popularité.

Cette opinion ne serait assurément pas soutenable, elle serait même opposée à toutes doctrines de ce livre, si la pureté de race qu’on attribue généralement aux populations parlant encore le celtique était prouvée. L’argument, et c’est le seul dont on se sert pour l’établir, consiste dans la persistance de la langue. On a déjà vu plusieurs fois, et notamment  à propos des Basques, combien cette manière de raisonner est peu concluante (1)[1]. Les habitants des Pyrénées ne sauraient passer pour les descendants d’une race primitive, encore moins d’une race pure ; les plus simples considérations physiologiques s’y opposent. Les mêmes raisons ne font pas moins de résistance à ce que les Irlandais, les montagnards de l’Écosse, les Gallois, les habitants de la Cornouaille anglaise et les Bretons soient considérés comme des peuples typiques et sans mélange. Sans doute, on rencontre, en général, parmi eux, et chez les Bretons surtout, des physionomies marquées d’un cachet bien particulier ; mais nulle part on n’aperçoit cette ressemblance générale des traits, apanage, sinon des races pures, au moins des races dont les éléments sont depuis assez longtemps amalgamés pour être devenus homogènes. Je n’insiste pas sur les différences très graves que présentent les groupes néo-celtiques quand on les compare entre eux. La persistance de la langue n’est donc pas, ici plus qu’ailleurs, une garantie certaine de pureté quant au sang. C’est le résultat des circonstances locales, fortement servies par les positions géographiques.

Ce que la physiologie ébranle, l’histoire le renverse. On sait de la manière la plus positive que les expéditions et les établissements des Danois et des Norwégiens dans les îles semées

  1. (1) Vid. supra et livre Ier.