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reconnaître chez elles que des traditions de faits et certaines dispositions d’esprit qui, persistant avec la mesure du sang des Kymris demeuré dans le nouveau mélange ethnique, ne gardaient d’autre puissance que de prédisposer les populations nouvelles à reprendre un jour quelques-unes des voies jadis familières à l’intelligence spéciale de la race gallique.

Les Celtes du continent, ainsi mis hors de cause longtemps avant la venue des Germains, il reste à examiner si ceux des îles de Bretagne, d’Irlande, ont conservé quelques débris du trésor intellectuel de la famille, et ce qu’ils en ont pu transmettre à leur colonie armoricaine.

César considère les indigènes de la grande île comme fort grossiers. Les Irlandais l’étaient encore davantage. À la vérité, les deux territoires passaient pour sacrés, et leurs sanctuaires étaient en vénération auprès des druides. Mais, autre chose est la science hiératique, autre la science profane. J’indiquerai plus bas les motifs qui me portent à croire la première très anciennement corrompue et avilie chez les Bretons. La seconde était évidemment peu cultivée par eux, non pas parce que ces insulaires vivaient dans les bois ; non pas parce qu’ils n’avaient pour villes que des circonvallations de branches d’arbres au milieu des forêts ; non pas parce que la dureté de leurs mœurs autorisait, à tort ou à raison, à les accuser d’anthropophagie ; mais parce que les traditions génésiaques qu’on leur attribue contiennent une trop faible proportion de faits originaux.

La prédominance des idées classiques y est évidente. Elle saute aux yeux, et elle ne nous apparaît même pas sous le costume latin ; c’est dans la forme chrétienne, dans la forme monacale, dans le style de pensée germano-romain, qu’elle s’offre à nos regards (1)[1]. Aucun observateur de bonne foi ne peut se refuser à reconnaître que les pieux cénobites du VIe siècle ont, sinon composé toutes ses œuvres, du moins donné le ton à leurs compositeurs, même païens. Dans tous ces livres, à côté de César et de ses soldats, on voit apparaître les histoires

  1. (1) Dieffenbach, Celtica II, 2e Abth., p. 55.