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intellectuelles appartenant aux nations romanes comme aux peuples germaniques, un certain coin marqué d’une origine toute spéciale, que l’on peut revendiquer pour les Celtes. On trouve aussi, chez les Irlandais, les montagnards du nord de l’Écosse et les Bretons de l’Armorique, des productions en prose et en vers composées dans les dialectes locaux.

L’attention des érudits s’est fixée avec intérêt sur ces œuvres de la muse populaire. Elle leur a dû quelquefois de ressaisir les traces de quelques linéaments de l’ancienne physionomie du monde kymrique. Malheureusement, je le répète, ces compositions sont loin d’appartenir à la véritable antiquité. C’est tout ce que peuvent faire leurs admirateurs les plus enthousiastes, que d’en reporter quelques fragments au cinquième siècle (1)[1], date bien jeune pour permettre de juger de ce que pouvaient être les ouvrages celtiques à l’époque anté-romaine, au temps où l’esprit de la race était indépendant comme sa politique. En outre, on ressent, à l’aspect de ces œuvres, une défiance dont il n’est guère possible de se débarrasser, si l’on veut garder l’oreille ouverte à la voix de la raison. Bien que leur authenticité, en tant que produits des bardes gallois ou armoricains, des sennachies irlandais ou gaëliques, soit incontestable, on est frappé de leur ressemblance extrême avec les inspirations romaines et germaniques des siècles auxquels elles appartiennent.

La comparaison la plus superficielle rend cette vérité par trop notoire. Les allures de la pensée, les formes matérielles de la poésie, sont identiques (2)[2]. Le goût est tout semblable pour la recherche énigmatique, pour la tournure sentencieuse du récit, pour l’obscurité sibyllienne, pour la combinaison ternaire des faits, pour l’allitération. À la vérité, on peut admettre que ces marques caractéristiques sont dues précisément à des emprunts primordiaux opérés sur le génie celtique par le monde germanique naissant. Tout porte à croire,



(1) La Villemarqué, Barzaz Breiz, t. I, p. XIV.

(2) Voir le chant gallois attribué à Taliesin. (La Villemarqué, t. I, p. XIV). C’est un véritable sermon chrétien de l’époque.

  1. (1) La Villemarqué, Barzaz Breiz, t. I, p. XIV.
  2. (2) Voir le chant gallois attribué à Taliesin. (La Villemarqué, t. I, p. XIV). C’est un véritable sermon chrétien de l’époque.