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L’alphabet grec primitif s’écrivait tantôt de droite à gauche,



présent, ni futur, avec la méthode de décomposition élémentaire et de représentation abstraite des sons. Elles restent ce qu'elles sont, et n'atteignent pas à un but logiquement contraire au principe fondamental de leur construction primitive. — Peut-on affirmer de même que les alphabets phonétiques que nous possédons ne soient pas des descendants de systèmes idéographiques oubliés ? Poser une telle question, c'est, je le sais, affronter des axiomes qui ont acquis force de loi, mais qu'on juge de leur valeur. On part du type phénicien comme paradigme, comme souche de toutes les écritures phonétiques, et l'on veut que X (hébreu) représente le cou et la forme du chameau ; (.X.), de même, est censé rappeler parfaitement un œil  ; (.X.) une maison ou une tente, etc. Pourquoi ? c'est que (.X.) et (.X.) sont les initiales de (.X.), de (.X.) et de (.X.). Mais (.X.) l'est également de (.X.), qui veut dire un puits, de (.X.) qui signifie un bouc, et, si l'on consent à examiner les choses sans prévention, on conviendra que (.X.) ressemble tout autant à un puits ou à un bouc qu'à un chameau. On pourrait trouver, sans nulle peine, d'aussi nombreuses analogies pour toutes les lettres de l'alphabet. Il suffit d'un peu de bonne volonté. Voilà ce que c'est que le système qui fait dériver, inévitablement, les alphabets phonétiques des séries idéographiques, et voilà les puissantes raisons sur lesquelles il s'appuie. Aussi est-il nécessaire d'y renoncer, et au plus tôt.
D'autant mieux que les études actuelles sur les alphabets assyriens font découvrir une nouvelle méthode graphique qui, de quelque façon qu'on la torture, ne saurait nullement être rapprochée du dessin symbolique. Ces combinaisons claviformes affichent, bien certainement, la prétention la mieux justifiée à ne présenter la pensée qu'au moyen de signes abstraits.
Puis, au besoin, on pourrait citer encore tels modes d'écriture qui ne sont ni idéographiques, ni phonétiques, ni syllabiques, mais seulement mnémoniques, et qui se composent de traits sans autre signification que celle qui leur est attribuée par l'écrivain. Ce dernier système, fort imparfait, assurément, et privé du pouvoir d'exprimer des mots, rappelle seulement au lecteur certains objets ou certains faits déjà connus. L'écriture lenni-lenape est de ce genre.
Voilà donc, la question étant prise en gros, quatre catégories de ressources graphiques employées par les hommes pour garder la trace à leurs pensées. Ces quatre catégories sont fort inégales en mérite, et atteignent bien diversement le but pour lequel elles sont inventées. Elles résultent d'aptitudes très spéciales chez leurs créateurs, de façons très particulières de combiner les opérations de l'esprit et de déduire les rapports des choses. Leur étude approfondie mène à des résultats pleins d'intérêt, et sur les sociétés qui s'en servent, et sur les races dont elles émanent.