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entré dans les mœurs des nations galliques qui avaient entre elles le moins de contact, par quelle voie aurait-il passé des Helvétiens aux gens de la Celtibérie ? Si ces derniers avaient été tentés de demander à des étrangers un moyen graphique de conserver le souvenir des faits, ils se fussent tournés certainement du côté des Phéniciens. Or, les letteras desconocidas gravées sur les médailles indigènes de la Péninsule n’ont pas le moindre rapport avec l’alphabet chananéen ; elles n’en ont pas non plus avec celui de la Grèce.

Ce mot terminera la discussion quant à l’identité matérielle des deux familles de lettres. Ce qui n’est pas vrai pour les Celtibériens ne l’est pas non plus pour la plupart des autres nations kymriques. Je ne prétends pas néanmoins qu’il n’y eut qu’un seul alphabet pour elles toutes (1)[1]. Je m’arrête à cette limite que le système de l’agencement et des formes était identique en principe, bien que pouvant offrir des nuances et des variations locales fort tranchées.

On demandera comment il s’est pu faire que César, si accoutumé à la lecture des ouvrages grecs, se soit trompé sur l’apparence des registres helvétiens, et ait vu des lettres helléniques là où il n’y en avait pas ? Voici la réponse : César a tenu dans ses mains, probablement, ces manuscrits, mais c’est un



ordinaire de leurs transactions de toute nature, ils eussent mérité, non pas le nom de barbares, que les écrivains classiques ne leur ménageaient pas, mais celui de philologues, d’érudits consommés ; encore n’ai-je connaissance d’aucun docte personnage, soit ancien, soit moderne, pas même Scaliger, qui se soit amusé à passer des actes civils, par-devant notaire, dans une langue savante. Tout ce qu’il est possible d’accorder, c’est que Strabon, ou plutôt Posidonius, aura vu entre les mains de quelques négociants massaliotes des cédules grecques tracées par ces derniers, et souscrites par des commerçants gaulois.

(1) Mommsen compte jusqu’à neuf alphabets différents, recueillis par lui au nord de l’Italie et dans les Alpes. Voici la liste topographique qu’il en donne : Todi, Provence, Étrurie, Valais, Tyrol, Styrie, Conegliano, Vérone, Padoue. — Les déviations qui peuvent créer l’originalité de chacun de ces alphabets sont considérables, comme le déclare lui-même cet éminent et judicieux archéologue. (Die nordetruskischen Alphabete, p. 221, taf. III.)


  1. (1) Mommsen compte jusqu’à neuf alphabets différents, recueillis par lui au nord de l’Italie et dans les Alpes. Voici la liste topographique qu’il en donne : Todi, Provence, Étrurie, Valais, Tyrol, Styrie, Conegliano, Vérone, Padoue. — Les déviations qui peuvent créer l’originalité de chacun de ces alphabets sont considérables, comme le déclare lui-même cet éminent et judicieux archéologue. (Die nordetruskischen Alphabete, p. 221, taf. III.)