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dont furent conduites les grandes invasions celtiques et le mode d’administration établi par les conquérants dans les pays occupés, régime original qui n’empruntait que des détails aux usages des vaincus. La Gallo-Grèce présente ce spectacle.

Les armes des Kymris étaient de métal (1)[1], quelquefois de pierre, mais, en ce cas, très finement travaillées au moyen d’outils de bronze ou de fer. Il semblerait même que les épées et les haches de cette dernière espèce, qu’on a trouvées dans des tombes, étaient plutôt emblématiques ou vouées à des usages sacrés qu’à un emploi sérieux. À la même catégorie appartenaient, incontestablement, des glaives et des masses d’armes en argile cuite, richement dorées et peintes, qui ne peuvent avoir eu qu’une destination purement figurative (2)[2]. Du reste, il est bien probable aussi que les hommes de la plèbe la plus pauvre se faisaient arme de tout. Il leur était meilleur marché et plus facile d’emmancher un caillou percé dans un bâton que de se procurer une hache de bronze. Mais ce qui établit d’une manière irrécusable que cette circonstance n’implique nullement l’ignorance générale des métaux et l’inhabileté à les travailler, c’est que les langues galliques possèdent des mots propres pour dénommer ces produits, des mots dont on ne rencontre l’origine ni dans le latin, ni dans le grec, ni dans le phénicien. Si tels de ces vocables ont une affinité marquée avec leurs correspondants helléniques, ce n’est pas à dire qu’ils aient été fournis par les Massaliotes. Ces ressemblances prouvent seulement que les Arians Hellènes, pères des Phocéens et les aïeux des Celtes, étaient issus d’une race commune.

Le fer s’appelle ierne, irne, uirn, jarann ; le cuivre copar, et c’était le métal le plus en usage chez les Galls pour la fabrication des épées ; le plomb, luaid ; le sel, hal, sal (3)[3].



(1) Keferstein, Ansichten über die keltischen Alterthümer, t. I, p. 324 et passim. — Wormsaae, Primeval antiquities of Denmark, p. 23 et pass.

(2) Ibidem. — Wormsaae donne la gravure d’une hache de cette espèce, qui est d’une grande élégance. (Ouvr. cité, p. 39.)

(3) Keferstein, t. II, Erste Abtheilung, Verzeichniss. Les mots

  1. (1) Keferstein, Ansichten über die keltischen Alterthümer, t. I, p. 324 et passim. — Wormsaae, Primeval antiquities of Denmark, p. 23 et pass.
  2. (2) Ibidem. — Wormsaae donne la gravure d’une hache de cette espèce, qui est d’une grande élégance. (Ouvr. cité, p. 39.)
  3. (3) Keferstein, t. II, Erste Abtheilung, Verzeichniss. Les mots employés aujourd’hui dans l’art du mineur ont souvent l’avantage de fournir des notions fort anciennes. Keferstein fait cette réflexion pour l’Allemagne, et retrouve dans la langue actuelle des travailleurs souterrains du Harz des formes et des racines essentiellement celtiques, qui, en même temps que les procédés et les outils auxquels on les applique, ont passé des Galls aux métis germaniques. Quant à l’étymologie des noms de métaux, on peut remarquer que le mot celtique aes, ais, qui devient dans le breton aren et dans le latin aes, avec la flexion aeris, ne désigne pas proprement du bronze, mais bien, par excellence, le métal le plus dur. C’est à ce titre seulement qu’on le trouve employé dans la plus haute antiquité pour désigner le bronze. Le sanscrit le possède sous la forme ayas ou ayasa, et lui donne le sens de fer. L’allemand a de même Eisen, dérivé du gothique eisarn. L’anglo-saxon a iren, l’anglais iron, l’irlandais iarn. Nous avons ici le celtique ierne, et l’on peut voir que dans la forme jarann il n’est pas trop loin d’ aren. — Schlegel, Indische Bibliothek, t. I, p. 243 et pass. — Voir sur le sens de la racine primitive les recherches très curieuses de Dieffenbach, Vergleichendes Wœrterbuch der gothischen Sprache, in-8o, Frankfurt a. M., t. I, p. 14, 15, n° 18. La signification de dur parait être ici en corrélation avec l’idée de fondamental. — Il résulte aussi de ce mot plusieurs applications plus ou moins directes, comme celles de métal en général, de richesses, d’armes, harnais, harnisch. On le découvre non seulement dans le sanscrit, les langues celtiques et gothiques, mais aussi dans le pouschtou ou afghan, le grec, le balouki, l’ossète, et on l’aperçoit jusque dans le chaldéen HSN (hébreu), asina, hache. On le remarque dans les langues slaves, avec une forme qui le rapproche de certains dialectes galliques.