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renseignement cosmogonique et historique dans les annales des Chananéens[1], mais rien ne s’oppose à ce qu’ils aient eu les moyens de compléter ces récits par des souvenirs qui leur étaient propres, et dont la source remontait à l’âge où toute l’espèce blanche se trouvait rassemblée au fond de la haute Asie.

Ces Gomers, connus traditionnellement des nations chananéennes du sud, le furent plus directement des Assyriens. Il y eut, à la fin du XIIIe siècle, entre les deux peuples, des conflits et des mêlées. Inhabiles à laisser à la postérité des monuments de leurs triomphes, les Celtes en perdirent la mémoire ; mais leurs rivaux asiatiques, plus soigneux, ont gardé des traces d’exploits dont ils s’honoraient. M. le lieutenant-colonel Rawlinson a trouvé très fréquemment dans les inscriptions cunéiformes le nom des Gumiris, entre autres, sur les pierres de Bisoutoun[2]. C’est donc dans l’Asie occidentale que se rencontrent les premières mentions du peuple qui devait se répandre le plus loin en Europe.

Outre la Bible et les témoignages assyriens, l’histoire grecque aussi parle de l’invasion cimmérienne au temps de Cyaxares[3]. Ces Cimmériens, ces Gumiris, qui firent alors tant de mal, et furent si rapidement dispersés par les Scythes, nous les suivons, dès lors, au delà de l’Euxin où ils retournent, et, montant avec eux vers l’ouest et le nord-ouest, nous ne perdons plus de vue leurs vastes pérégrinations.

Ils s’enfoncent jusqu’aux contrées voisines de la mer du Nord, et y portent leur nom de Kimbr ou Cimri[4]. Ils occupent

  1. T. I, p. 441.
  2. Lt-col. Rawlinson, Memoir on the babylonian and assyrian Inscriptions, 1851, p. XXI.
  3. T. II, p. 379.
  4. La nationalité celtique des plus anciens Cimbres n’est pas contestable. Ils nommaient l’Océan, sur les bords duquel ils résidaient, Mori-Marusa. Ce sont deux mots kymriques qui veulent dire mer morte. Ils lui donnèrent aussi le nom de crow, reproduit en latin dans la formation cronium, autre expression kymrique qui signifie glacé. Lorsqu’ils vinrent attaquer Marius, un de leurs chefs se nommait Boiorix ou le chef boïen, et, les Boïens étant des Galls incontestables, il n’y aurait aucun motif qui eût pu porter un guerrier cimbre à prendre un titre celtique, s’il n’avait pas été Celte lui-même. On retrouve encore à côté de ce même Boïorix un Lucius ou mieux Luk, et ce nom, très connu des Latins, leur avait été transmis par les Umbres Celtes de la péninsule italique ; il était donc gallique comme ses possesseurs.