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des populations voisines. Je n’en suis pas surpris. Rien ne garantit la pureté du sang chez les montagnards des Pyrénées, et je ne tirerai pas de l’examen qu’on en a pu faire les mêmes résultats que pour le guerrier albanais.

Dans celui-ci j’ai vu une différence marquée, un contraste notable avec les nations avoisinantes. Impossible de confondre des Arnautes avec des Turcs, des Grecs, des Bosniaques. Il est très difficile, au contraire, de démêler un Euskara parmi ses voisins de la France et de l’Espagne. La physionomie du Basque, très avenante assurément n’offre rien de particulier. Son sang est beau, son organisation énergique ; mais le mélange, ou plutôt la confusion des mélanges, est évidente chez lui. Il n’a nullement ce trait des races homogènes, la ressemblance des individus entre eux, ce qui a lieu à un haut degré chez les Albanais.

Comment d’ailleurs l’Ibère des Pyrénées serait-il de race pure ? La nation entière a été absorbée dans les mélanges celtiques, sémitiques, romains, gothiques. Quant au noyau, réfugié dans les vallées hautes des montagnes, on sait que des couches nombreuses de vaincus sont venues successivement chercher un asile autour et auprès de lui. Il ne peut donc être resté plus intact que les Aquitains et les Roussillonais.

La langue euskara n’est pas moins énigmatique que l’albanais (1)[1]. Les savants ont été frappés de l’obstination avec laquelle elle se refuse à toute annexion à une famille quelconque. Elle n’a rien de chamitique et peu d’arian. Les affinités jaunes paraissent exister chez elle (2)[2], mais cachées, et on ne les constate qu’approximativement. Le seul fait bien avéré jusqu’ici, c’est que, par son polysynthétisme, par sa tendance à incorporer les mots les uns dans les autres, elle se rapproche des langues américaines (3)[3]. Cette découverte a donné naissance



(1) Les Romains étaient extrêmement rebutés par sa rudesse. — Dieffenbach, Celtica II, 2e Abth., p. 48-49.

(2) On croit apercevoir dans l’euskara quelques racines finnoises. — Schaffarik, Slawische Alterthümer, t. I, p. 35 et 293.

(3) Prescott, History of the Conquest of Mexico, t. III, p. 244, définit ainsi cette organisation idiomatique : « A system which bringing

  1. (1) Les Romains étaient extrêmement rebutés par sa rudesse. — Dieffenbach, Celtica II, 2e Abth., p. 48-49.
  2. (2) On croit apercevoir dans l’euskara quelques racines finnoises. — Schaffarik, Slawische Alterthümer, t. I, p. 35 et 293.
  3. (3) Prescott, History of the Conquest of Mexico, t. III, p. 244, définit ainsi cette organisation idiomatique : « A system which bringing the greatest number of ideas within the smallest possible compass, condenses whole sentences into a single word. » — W. v. Humboldt, Prüfung der Untersuchungen über die Urbewohner Hispaniens, p. 174 et sqq.