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assassin n’est plus un Arabe, n’est plus un hérétique musulman, n’est plus un sujet du Vieux de la Montagne, n’est plus un séide agissant sous l’impulsion d’un maître, n’est plus un mangeur de haschisch, c’est tout uniment un meurtrier. On pourrait faire des observations semblables sur le mot gentil, sur le mot franc, sur une foule d’autres ; mais, pour en revenir à ceux qui nous occupent plus particulièrement, nous trouverons que tous renferment dans leur sens absolu des applications très vagues, et que ce n’est que l’usage des siècles qui les a fixés peu à peu à un sens précis.

Pit-goma serait encore celui qui pourrait le plus échapper à cette définition, car, formé de deux racines, il particularise, au premier aspect, l’objet auquel il s’applique. Il indique un homme jaune, partant s’applique bien à un homme de la race finnique. Mais, en même temps, comme il ne contient rien qui fasse allusion aux qualités particulières de cette race, autres que la couleur, c’est-à-dire à la petitesse, à la sensualité, à la superstition, à l’esprit utilitaire, il ne suffit que faiblement à la désigner. D’ailleurs, il ne s’arrête pas à cette phase incomplète de son existence : il subit une modification, et, devenant πyγμαῖος, il prend toutes les nuances qui lui manquaient pour se spécialiser. Un pygmée n’est plus seulement un homme jaune, c’est un homme pourvu de tous les caractères de l’espèce finnique, et, dès lors, le mot ne saurait plus s’appliquer à personne autre. Dans le dialecte des Hellènes, la modification avait porté sur la lettre t , de façon, en la rejetant, à contracter les deux mots Pit-goma en une seule et même racine factice, parce que là où il n’y a pas une racine simple, factice ou réelle, il n’y a pas un sens précis. Mais, dans la région extra-hellénique, l’opération se fit autrement, et, pour atteindre à la forme concrète d’une racine, on rejeta tout à fait le mot pit, qui aurait semblé pourtant devoir être considéré comme essentiel, et, se servant uniquement de goma, très légèrement altéré, on désigna les Finnois par une forme du mot homme, consacrée à eux seuls, et le but fut atteint. Bien que gnome ne signifie pas autre chose qu’homme, il ne saurait plus éveiller une autre idée que celle appliquée par la superstition