Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pauvre hère sans feu ni lieu, un vagabond, situation qui était assurément, sur plus d’un point, celle des Finnois dépossédés par les vainqueurs blancs ou métis, et, sous ce rapport, ces misérables fournissent aux annales primitives de l’Occident le pendant exact de ce que sont, dans les chroniques orientales, ces tristes Chorréens, ces Enakim, ces géants, ces Goliaths vagabonds, eux aussi dépouillés de leur patrimoine natal et réfugiés dans les villes des Philistins (1)[1].

Au sentiment de mépris qui s’attachait ainsi au nan, réduit à errer de lieux en lieux, s’unissait, dans la péninsule italique, le respect des connaissances surhumaines qu’on prêtait à ce malheureux. On montrait à Cortone, avec une pieuse vénération le tombeau d’un nan voyageur (2)[2].

On avait les mêmes idées dans l’Aquitaine. Le pays de Néris révérait une divinité topique appelée Nen-nerio (3)[3]. Je relève en passant qu’il semble y avoir dans cette expression un pléonasme semblable à celui des mots korid-wen et khorrigan. Peut-être aussi faut-il entendre l’un et l’autre dans un sens réduplicatif destiné à donner à ces titres une portée de superlatif ; ils signifieraient alors le gan ou le nan par excellence.

De l’Aquitaine passons au pays des Scythes, c’est-à-dire à la région orientale de l’Europe qui, dans le vague de sa dénomination, s’étend du Pont-Euxin à la Baltique. Hérodote y montre des sorciers fort consultés, fort écoutés, et qui portaient le nom d’Énarées et de Neures (4)[4]. Les peuples blancs au milieu desquels vivaient ces hommes, tout en accordant une confiance très grande à leurs prédictions, les traitaient avec un mépris outrageant, et, à l’occasion, avec une extrême cruauté.



(1) Cf. t. I, p. 486, note. — Dennis, ouvr. cité, t. I, p. XIX.

(2) Le mot cas-nar est lui-même composé des deux mots nar et cas, racine ariane qui en sanscrit, signifie aller, marcher. Benfey, Glossarium, p. 73. — Voir, sur le tombeau de Cortone, Dionys. Halic., Antiq. rom., I, XXIII. — Abeken, ouv. cité, p. 26.

(3) Barailon, Recherches sur plusieurs monuments celtiques et romains, in-8o, Paris, 1806, p. 143.

(4) Hérod., IV, 17, 67, 69, et ailleurs.


  1. (1) Cf. t. I, p. 486, note. — Dennis, ouvr. cité, t. I, p. XIX.
  2. (2) Le mot cas-nar est lui-même composé des deux mots nar et cas, racine ariane qui en sanscrit, signifie aller, marcher. Benfey, Glossarium, p. 73. — Voir, sur le tombeau de Cortone, Dionys. Halic., Antiq. rom., I, XXIII. — Abeken, ouv. cité, p. 26.
  3. (3) Barailon, Recherches sur plusieurs monuments celtiques et romains, in-8o, Paris, 1806, p. 143.
  4. (4) Hérod., IV, 17, 67, 69, et ailleurs.