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façon si complète, que l’on serait tenté de croire qu’ils ont exécuté leur apparition première avec Deucalion, brusquement, inopinément, et que, avant cette surprise, on n’avait jamais entendu parler d’eux. Puis soudain Deucalion, établi sur les terres de conquête, donne le jour à Hellen ; celui-ci a pour fils Dorus, Æolus, Xuthus, qui, à son tour, devient père d’Achæus et d’Ion : toutes les branches de la race, Doriens, Æoliens, Achéens et Ioniens, entrent en compétition des territoires jadis exclusivement acquis aux autochtones et aux Chananéens. Les Arians Hellènes sont trouvés.

Il ne faut pas s’étonner de ce défaut de précédents et de transition. Ce sont là les formes mnémoniques ordinaires des récits que conservent les peuples sur leurs origines. Cependant il n’y a pas le moindre doute que les invasions et les établissements des multitudes blanches ne s’accomplissent point ainsi. Une nation menace longtemps un territoire avant de pouvoir s’y établir. Elle tourne autour des frontières du pays convoité sans les franchir. Elle épouvante d’abord et ne saisit que tardivement. Les Arians Hellènes n’ont pas procédé autrement que leurs frères : ils n’ont pas fait exception à la règle.

Puisque avant l’établissement de Deucalion en Thessalie il n’est pas question du nom de son peuple, cessons de rechercher ce nom et, nous attachant à d’autres ressources, voyons ce qu’était Deucalion lui-même, bien reconnu comme Hellène, par les siècles postérieurs, puisqu’il est proclamé l’éponyme même de la race. Observons-le dans sa valeur ethnique, et d’abord, puisque nous procédons de bas en haut, commençons par préciser celle de ses fils, fondateurs des différentes tribus helléniques[1]

  1. Les noms des différents personnages de la généalogie ariane-hellénique, évidemment symboliques, sont plutôt des qualifications représentant le trait principal, résumant l’histoire de la vie de chacun de ces éponymes ; il en est constamment ainsi, chez toutes les nations, quant à ces êtres génésiaques. Ainsi Deucalion, non seulement l’auteur de la race hellénique, mais le patriarche qui concentre sur sa tête le résumé des antiques souvenirs cosmogoniques, le témoin du déluge (dans la tradition sémitique-grecque, Ogygès remplit ce rôle), Deucalion, qui répond au dieu-poisson, au Nô des Assyriens,