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Bretagne, l’Irlande, l’Écosse, l’Allemagne. La tradition s’est, au contraire, affaiblie dans le midi de la France, en Espagne, en Italie. Chez les Slaves, qui ont subi tant d’invasions et de bouleversements provenant de races très différentes, elle n’a pas disparu, tant s’en faut, mais elle s’est compliquée d’idées étrangères. Tout cela s’explique sans peine. Les Celtes du nord et de l’ouest, soumis principalement à des influences germaniques, en ont reçu et leur ont prêté des notions qui ne pouvaient faire disparaître absolument le fond des premiers récits. De même pour les Slaves. Mais les populations sémitisées du sud de l’Europe ont de bonne heure connu des légendes venues d’Asie, qui, tout à fait disparates avec celles de l’ancienne Europe, ont absorbé leur attention et exigé presque tout leur intérêt.

Ces petits nains, ces voleurs d’enfants, ces êtres si persuadés de leur infériorité vis-à-vis de la race blanche, et qui, en même temps, possèdent de si beaux secrets, un pouvoir immense, une sagesse profonde, n’en sont pas moins tenus, par l’opinion, dans une situation des plus humbles et même véritablement servile. Ce sont des ouvriers (1)[1], et surtout des ouvriers mineurs. Ils ne dédaignent pas de battre de la fausse monnaie. Retirés dans les entrailles de la terre, ils savent fabriquer, avec les métaux les plus précieux, les armes de la plus fine trempe. Ce n’est pourtant jamais à des héros de leur race qu’ils destinent ces chefs-d’œuvre. Ils les font pour les hommes qui seuls savent s’en servir.

Il est arrivé parfois, dit la Fable, que des ménétriers, revenant tard de noces de village, ont rencontré, sur la lande, après minuit sonné, une foule de nains fort affairés aux carrefours des chemins creux. D’autres témoins rustiques les ont vus s’agitant par essaims au pied des dolmens, leurs demeures d’habitude, s’escrimant de lourds marteaux, de fortes tenailles,



(1) Dieffenbach, Celtica II, 2e Abth., p. 210. Les montagnards gaëls de l’Écosse attribuent les monuments pseudo-celtiques de leur pays à un peuple mystérieux, antérieur à leur race et qu’ils nomment drinnach, les ouvriers.

  1. (1) Dieffenbach, Celtica II, 2e Abth., p. 210. Les montagnards gaëls de l’Écosse attribuent les monuments pseudo-celtiques de leur pays à un peuple mystérieux, antérieur à leur race et qu’ils nomment drinnach, les ouvriers.