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pied des pierres levées, la nuit se répandant à travers les landes, au long des chemins creux, ou bien encore, errant au bord des lacs et des sources, parmi les roseaux et les grandes herbes.

C’est une opinion commune aux paysans de l’Écosse, de la Bretagne et des provinces allemandes que les nains cherchent surtout à dérober les enfants et à déposer à leur place leurs propres nourrissons (1)[1]. Quand ils ont réussi à mettre en défaut la surveillance d’une mère, il est très difficile de leur arracher leur proie. On n’y parvient qu’en battant à outrance le petit monstre qu’ils lui ont substitué. Leur but est de procurer à leur progéniture l’avantage de vivre parmi les hommes, et quant à l’enfant volé, les légendes sont partout unanimes sur ce qu’ils en veulent faire : ils veulent le marier à quelqu’un d’entre eux, dans le but précis d’améliorer leur race (2)[2].

Au premier abord, on est tenté de les trouver bien modestes d’envier quelque chose à notre espèce, puisque, par la longévité et la puissance surnaturelle qu’on leur attribue d’ailleurs, ils sont très supérieurs et très redoutables aux fils d’Adam. Mais il n’y a pas à raisonner avec les traditions : telles quelles sont, il faut les écouter ou les rejeter. Ce dernier parti serait ici peu judicieux, car l’indication est précieuse. Cette ambition ethnique des nains, n’est autre que le sentiment qui se retrouve aujourd’hui chez les Lapons. Convaincus de leur laideur et de leur infériorité, ces peuples ne sont jamais plus contents que lorsque des hommes d’une meilleure origine, s’approchant de leurs femmes ou de leurs filles, donnent au père ou au mari, ou même au fiancé, l’espérance de voir sa hutte habitée un jour par un métis supérieur à lui (3)[3].

Les pays de l’Europe où la mémoire des nains s’est conservée le plus vivace sont précisément ceux où le fond des populations est resté le plus purement celtique. Ces pays sont la



(1) La Villemarqué, Chants populaires de la Bretagne, t. I. Voir la ballade intitulée l’Enfant supposé. « À sa place on avait mis un monstre ; sa face est aussi rousse que celle d’un crapeau. » (P. 51.)

(2) Ibid., Introduction, p. XLIX.

(3) Regnard, Voyage en Laponie.


  1. (1) La Villemarqué, Chants populaires de la Bretagne, t. I. Voir la ballade intitulée l’Enfant supposé. « À sa place on avait mis un monstre ; sa face est aussi rousse que celle d’un crapeau. » (P. 51.)
  2. (2) Ibid., Introduction, p. XLIX.
  3. (3) Regnard, Voyage en Laponie.