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prédications redoutées. Le brahmanisme n’a pas un instant renoncé au combat, et l’on sait, au contraire, que dans l’est, dans les montagnes du nord, notamment depuis la conquête du Népaul par les Gorkhas au XVe siècle, il poursuit encore son prosélytisme, et qu’il réussit (1)[1]. L’infusion du sang demi-arian, dans le Pendjab, a produit la religion égalitaire de Nanek. Le brahmanisme s’est dédommagé de cette perte en rendant de plus en plus imparfaite la foi musulmane qui habite avec lui.

Miné depuis un siècle par l’action européenne, on sait avec quelle imperturbable confiance il a jusqu’ici résisté, et je ne crois pas qu’il existe un homme, ayant vécu dans l’Inde, qui se laisse aller à croire que ce pays puisse jamais subir une transformation et devenir civilisé à notre manière. Plusieurs des observateurs qui l’ont le plus pratiqué et le mieux connu ont témoigné que, dans leur conviction, ce moment-là n’arriverait pas.

Pourtant le brahmanisme est en décadence complète ; ses grands hommes ont disparu ; les absurdes ou féroces superstitions, les niaiseries théologiques de la partie noire de son culte, ont pris le dessus d’une manière effrayante sur ce que son antique philosophie présentait de si élevé, de si noblement ardu. Le type nègre et le principe jaune ont creusé leur chemin dans ses populations d’élite, et, sur plusieurs points, il est difficile, même impossible, de distinguer les brahmanes de telles individualités appartenant aux basses castes. En tout cas, jamais la nature pervertie de cette race dégénérée ne pourra prévaloir contre la force supérieure des nations blanches venues de l’occident de l’Europe.

Mais s’il arrivait que, par suite de circonstances étrangères aux événements de la politique locale, la domination anglaise cessât dans ces vastes contrées et que, rendues à elles-mêmes, il leur fallût se reconstituer, sans doute, après un temps plus ou moins long, le brahmanisme, seul ordre social qui offre encore, dans ce pays, quelque solidité, quelques doctrines inébranlables, finirait par prévaloir.

  1. (1) Ritter, Erdkunde, Asien, t. III, p. 111 et passim.