Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les yeux coupés en amande et non plus bridés, on conclut victorieusement que les races ne sont pas permanentes, puisque les Turcs se sont ainsi transformés (1)[1]. « À la vérité, disent les Unitaires, quelques personnes ont prétendu qu’il y avait eu des mélanges avec les familles grecque, géorgienne et circassienne. Mais, ajoutent-ils aussitôt, ces mélanges n’ont pu être que très partiels : tous les Turcs n’étaient pas assez riches pour acheter leurs femmes dans le Caucase ; tous n’avaient pas des harems peuplés d’esclaves blanches, et, d’autre part, la haine des Grecs pour leurs conquérants et les antipathies religieuses n’ont pas favorisé les alliances, puisque les deux peuples, bien que vivant ensemble, sont encore aujourd’hui aussi séparés qu’au premier jour de la conquête (2)[2]. »

Ces raisons sont plus spécieuses que solides. On ne saurait admettre que sous bénéfice d’inventaire l’origine finnique de la race turque. Cette origine n’a été démontrée, jusqu’ici, qu’au moyen d’un seul et unique argument : la parenté des langues, J’établirai plus bas combien cet argument, lorsqu’il se présente isolé, laisse de prise à la critique et de place au doute. En supposant, toutefois, que les premiers auteurs de la nation aient appartenu au type jaune, les moyens abondent d’établir qu’ils ont eu les meilleures raisons de s’en éloigner.

Entre le moment où les premières hordes touraniennes descendirent vers le sud-ouest et le jour où elles s’emparèrent de la cité de Constantin, entre ces deux dates que tant de siècles séparent, il s’est passé bien des événements ; les Turcs occidentaux ont eu bien des fortunes diverses. Tour à tour, vainqueurs et vaincus, esclaves ou maîtres, ils se sont installés au milieu de nationalités très diverses. Suivant les annalistes (03)[3], leurs ancêtres Oghouzes, descendus de l’Altaï, habitaient, au temps d’Abraham, ces steppes immenses de la haute Asie qui s’étendent du Kataï au lac Aral, de la Sibérie au Thibet,

  1. (1) Ethnology, p. 439.
  2. (2) Ibid., p. 439.
  3. (3) Hammer, Geschichte des Osmanischen Reichs, t. I, p. 2.