Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au-devant d’elle, et voyant qu’on ne prenait pas garde à ses avances, l’avait suivie affectueusement jusqu’au sofa, s’était assise et n’avait pas cessé de la considérer de ses grands yeux noirs qui brillaient comme des escarboucles au milieu de sa toison plus noire encore. Elle ne l’avait pas perdue de vue une minute pendant cette longue visite ; à deux ou trois reprises, elle avait posé sa lourde patte sur les genoux de celle qui lui inspirait une si vive sympathie et avait réussi à se faire caresser, à sa visible satisfaction. Enfin, quand il fut bien résolu qu’on s’en allait, Didon se fit appeler trois fois avant d’obéir à son maître ; celui-ci garda dans son cœur l’impression d’une conduite si étrange de la part de sa favorite. Rien de pareil n’était jamais arrivé ; Didon ne s’était jusqu’alors laissé distraire par qui que ce soit de son affection absolue pour Henry, et Thompson lui-même, le grand et influent Thompson, chargé de régler les détails de sa vie domestique, et qui avait tenu toujours une place distinguée dans son estime, n’avait pu cependant lui inspirer rien qui ressemblât à de telles préférences. Norton