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malice, elle le contemplait comme lui offrant un spécimen d’homme différent de ce qu’elle avait jamais vu. Quant à M. de Moncade, il fumait avec une gravité qui eût été fort digne de respect de la part d’un chef mohican épuisant le calumet de paix.

Norton, suivant son projet dédaigneux, essaya de lier conversation avec Akrivie dans le but innocent d’inventorier le mobilier de son esprit, pour plus tard passer à celui de son cœur. C’était le remède cherché à la commotion reçue trop vite. L’esprit lui parut singulier ; il n’y vit rien de ce qui orne l’imagination d’une jeune demoiselle dans les pays heureux où fleurissent les bonnes éducations et les salons distingués. À vrai dire, elle ne savait quoi que ce soit, et ne paraissait pas se douter de l’utilité d’être autrement. Norton découvrit par hasard qu’elle croyait l’Espagne voisine de l’Amérique, sans savoir d’ailleurs où gisait cette partie du monde, assez éloignée de Naxos, suivant toute probabilité. Il eut la pédanterie de chercher à réformer ses notions à cet égard. Elle le laissa dire, et ne parut pas accorder la moindre attention à ses paroles. Il la trouva