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riait, puis bientôt sa gaieté fit place à une attention plus grave ; il parut laisser échapper des paroles de blâme, puis de compassion, puis enfin refuser une demande. Mais, quand il se rapprocha de la compagnie, on l’entendit s’exprimer en ces termes :

— Puisque tu y mets tant d’obstination, je consens ; emmène-les tous, mais souviens-toi bien que ton absence ne doit pas dépasser quelques semaines, sous peine de tomber dans ma disgrâce. Mon trésorier te portera ce soir 6.000 livres : accepte-les comme don de voyage.

— Le bon prince ! comme il fait le bonheur de ses peuples ! disait dame Barbara, en essuyant méthodiquement une larme qui n’était pas sur son vieil œil, tandis que Matteo racontait cette particularité et que Pantalon déplorait la perte de la veuve d’un conseiller. Scaramouche, pressé de partir, n’écouta aucune réclamation ; et, aidé de l’honnête Polichinelle, il eut bientôt déterré un carrosse commode, deux voitures de suite et un fourgon pour le bagage, de sorte que le lendemain, de grand matin, la caravane se mit en route pour Venise, où, après un voyage qui n’offrir aucune particularité remarquable, la bande arriva en parfait état de conservation.

Sitôt que la signora Tiepolo apprit l’arrivée de son soupirant, elle n’eut rien de plus pressé que de prendre sa mantille et son loup, de se jeter dans sa gondole et de se faire conduire chez Cattarina :

— Ah ! divine, lui dit-elle d’un petit ton triomphalement