sacrée par les personnages des deux serviteurs sarrazins du templier Brian de Boisguilbert. C’est parce que en réalité, cette fiction repose sur un fond assez vrai. Le cœur et l’imagination, mobiles uniques du dévouement, tiennent une place énorme dans l’organisation des Asiatiques ; susceptibles de beaucoup aimer, ces gens-là se sont de beaucoup sacrifiés à ce qu’ils aiment. Ainsi, du moment où Assanoff trouvait dans Don Juan une nature sympathique à la sienne, il l’aimait pour tout de bon et sans se défendre.
Le dîner du gouverneur ressembla à toutes les fêtes de ce genre. On but beaucoup. Assanoff, Dieu garde qu’il eût manqué cette occasion ! Il était tellement en verve, qu’il se serait surpassé lui-même, si les observations de Don Juan ne l’eussent un peu contenu, de sorte qu’il en resta à un visage enflammé, avec une démarche légèrement titubante et un décousu de discours encore plus prononcé qu’à l’ordinaire. Pour ne pas contrarier Moreno, il s’arrêta à cette limite. Au sortir de table, on passa dans le salon, où l’on se mit à fumer. Au bout d’une demi-heure, deux des personnages marquants de la population indigène firent leur entrée au milieu de ces officiers, dont la plupart étaient dans un état plus avancé que celui d’Assanoff. Agha-Khan et Shems-Eddyn-Bey saluèrent avec dignité et avec l’affabilité la plus aimable tous les assistants, sans paraître s’apercevoir le moins du monde de rien d’irrégulier. Ils s’assirent, après avoir refusé des pipes et déclaré qu’ils