sait passer légèrement sur les points les plus dignes de commentaires, il était d’humeur inconstante et ne savait suivre ni une explication, ni un raisonnement, Cependant Moreno s’attachait à lui. L’ivrognerie flagrante d’Assanoff le rebutait ; sa gaîté le ramenait. Assanoff avait l’esprit brouillon, mais il avait de l’esprit ; il divaguait à l’ordinaire, mais en quelques rencontres il montra du cœur. Pendant la longue route et l’interminable tête-à-tête, il raconta beaucoup de choses à Moreno, et Moreno se laissa aller de son côté à lui faire des confidences. Assanoff fut vivement ému des malheurs de l’exilé et montra une tendresse presque féminine pour l’amant. Quelquefois, parlant de lui même, il avouait n’être, à son avis, qu’un sauvage mal dégrossi, et, ajoutait-il, assez peu débarbouillé, mais il revenait bientôt sur cette déclaration et se proclamait un gentilhomme. En somme, il se fit gloire désormais de reconnaître chez Moreno la supériorité de l’intelligence et du caractère.
On peut se rappeler que, dans les récits des Croisades, il est toujours question d’un généreux émir, d’un brave Bédouin, ou, à tout le moins, d’un esclave fidèle attachant son sort à celui du chevalier chrétien. À l’occasion, ce subalterne se fait tuer volontiers pour le maître, après avoir sacrifié ses intérêts aux siens. Une pareille conception s’est si bien emparée de l’imagination des Occidentaux, qu’on la trouve encore dans les nouvelles de Cervantes, et Walter Scott l’a con-