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seulement ce qui fait qu’on évite, quand on peut, les caravanes des morts.

Au contraire, on ne déteste pas la rencontre d’un grand seigneur, s’en allant avec deux ou trois cents cavaliers, chasser, ou rendre au roi ses hommages. C’est une occasion de plaisir. C’est aussi quelquefois un surcroît de sécurité. Deux ou trois cents braves gentilshommes des tribus, armés jusqu’aux dents, ne sont pas d’un petit secours dans les contrées hantées et troublées par les Kurdes Djellalys ou autres, dans les régions du Nord, ou bien par les Bakhthyarys et les Loures dans celles du Sud. Alors, pendant qu’on voyage côte à côte, on échange de grandes politesses et de petits présents qui ne font jamais de peine à ceux qui les reçoivent.

De loin en loin, la caravane allant toujours, arrive enfin dans le voisinage d’une ville réelle et stable. Ces villes sont rares. Quand on est établi sous les murailles d’une de ces cités, alors la population errante redouble d’occupations et de mouvements. Celui-ci réussit à placer ses acquisitions faites à Trébizonde. Il recueille un honnête profit et se forme une nouvelle pacotille. Celui-là quitte le monde d’amis qu’il s’est faits depuis le départ et reste dans la cité, ou bien va s’unir à une autre caravane ; il est remplacé par de nouveaux venus. Des connaissances vous quittent et on les serre dans ses bras, on leur fait de tendres adieux ; quelques-uns pleurent, d’autres déplorent avec des lamentations sans