— Je vous dirai que ma femme est si bonne, si douce et que je l’aime tant qu’il me sembla d’autant plus nécessaire d’aller remercier les Imans de me l’avoir donnée. Je leur devais déjà un pèlerinage pour moi-même. Je le fis ; puis je revins. Quand je voulus repartir pour le troisième qui était celui de la reconnaissance, elle m’a dit qu’elle aussi était reconnaissante et voilà pourquoi nous allons ensemble cette fois avec notre enfant. Mais je m’aperçois que je fatigue Votre Excellence. Elle a eu une bonté infinie de m’écouter jusqu’au bout. Je ne suis qu’un pauvre homme et j’ai grandement abusé de votre générosité.
Il y a de ces âmes-là en Asie, des gens qui ne vivent que par l’imagination et par le cœur, dont l’existence entière se passe dans une sorte de rêverie active et qui peuvent d’autant mieux se passer de tout contact avec ce que l’on appelle ailleurs la vie réelle et pratique, que cette sorte de fardeau et les obligations qu’il accumule sur les épaules des humains n’existent là que pour les riches et les puissants. Les pauvres sont dispensés, s’ils le veulent, de rien faire ; la nourriture et l’abri ne leur manqueront jamais ni dans les caravanes, ni dans les villes, et la parabole des oiseaux du ciel auxquels le Père céleste sait ce qu’il faut et le donne, n’est vraie que dans les contrées du Soleil.
Depuis que Redjèb-Aly s’était fait connaître à Valerio, il était devenu, avec le poëte suisse, un des com-