aurait fini au grand dommage du dignitaire du palais et du petit jeune homme, si le cabaretier arménien, grand gaillard vigoureux et accoutumé de longue main à de pareilles scènes, qui ne lui causaient ni étonnement, ni émotion, n’était tout-à-coup apparu dans la chambre. Sans s’amuser à savoir qui avait tort ou raison, il empoigna d’une main le collet du pishkedmèt ; de l’autre, le dos de l’habit de Gambèr-Aly, et, par une poussée vigoureuse, lança les deux infortunés au travers de la porte ouverte, qu’il referma derrière eux. Ils allèrent rouler sur le sable, chacun de leur côté, et restèrent un bon moment étourdis du choc et éprouvant de la difficulté à se relever. Cependant la même idée leur travaillait la cervelle ; sans se rien dire, ils étaient dans une égale angoisse que la garnison ne fit une sortie, et, jugeant fort à propos de gagner le large, par un violent effort, ils se remirent sur leurs pieds. Le pishkedmèt dit à Gambèr-Aly :
— Fils de mon âme, continue à me défendre ! Ne m’abandonne pas ! Les saints Imams te béniront !
Gambèr-Aly n’avait garde de chercher la solitude. Il se rapprocha de son protégé, et tous deux, se tenant par la main, flageolant un peu, sortirent au plus vite de l’impasse où était situé le cabaret ; puis quand ils se trouvèrent sur la route, le courage et la voix leur revinrent :
— Gambèr-Aly, dit le domestique du palais, les lions n’ont pas tant d’intrépidité que toi ! Tu m’as sauvé