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quelle autre fille, pourvu qu’elle trouve un époux. Il ne peut se rien voir de plus admirable que cette transformation subite, et elle ne coûte pas cher, se faisant même à prix débattu.

Le moulla lut donc, d’une voix claire et incisive, le document dont la teneur suit :

« La nommée Bulbul (Rossignol), ayant eu le malheur de mener pendant plusieurs années une conduite inconsidérée, nous affirme qu’elle le déplore profondément et regrette d’avoir affligé l’âme des gens vertueux. Nous attestons son repentir, qui nous est connu, et nous déclarons sa faute effacée. »

Au-dessous de l’écriture, il y avait la date, qui se trouvait être, en effet, celle du matin, et le cachet d’un des principaux ecclésiastiques de la ville.

La lecture n’était pas achevée que le plus ivre des deux Kurdes se déclara résolu à tuer tout personnage assez imprudent pour lui disputer la main de la protégée du moulla. Mais le canonnier ne se laissa pas intimider et allongea au provocateur un coup de poing en plein visage ; sur quoi un des camarades de Gambèr-Aly jeta un des flacons à la tête d’un des muletiers, tandis que l’autre, presque aussitôt, lui renversait le moulla sur le corps ; ici, la mêlée devint générale.

Le pishkedmèt du Prince, personnage officiel, avait des mesures à garder ; il comprit instinctivement que sa dignité se trouvait engagée, et que, s’il est désa-