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le prophète Issa dans sa petite enfance (la bénédiction de Dieu soit sur lui et le salut ! ), avait pu contempler la manière dont il le copiait, comme il rendait le nez d’Hezrèt-è-Mérièm et la jambe du bambin, et, surtout, surtout le dossier de la chaise, ce fameux Européen, dis-je, se serait jeté aux pieds de Mirza-Hassan-Khan et lui aurait dit : Quel chien suis-je donc pour baiser la poussière de tes souliers ?

Cette opinion, sans doute juste, que Mirza-Hassan-Khan avait de sa valeur personnelle ne lui appartenait pas exclusivement, circonstance bien flatteuse et qu’il aimait à relever. Si les gens grossiers, les marchands, les artisans, les chalands de rencontre lui payaient mal ses ouvrages et l’insultaient en en discutant le prix, il était dédommagé par les suffrages des hommes éclairés et dignes de respect. Son Altesse Royale le prince gouverneur l’honorait de temps en temps d’une commande ; le chef de la religion, lui-même, l’Imam-Djumê de Shyraz, ce vénérable pontife, ce saint, ce majestueux, cet auguste personnage, et le Vizir du prince et encore le chef des Coureurs, ne consentaient pas à recevoir dans leurs nobles poches un encrier qui ne fut pas de sa fabrique. Se pourrait-il concevoir rien de plus propre à donner une idée exacte de l’habileté, du génie même déployé par ce peintre hors ligne qui avait le bonheur de s’appeler Mirza-Hassan-Khan ! C’était pourtant dommage ; tant d’illustres protecteurs de l’art croyaient faire assez