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escaladés. Le derviche soupirait profondément, prenait haleine et recommençait à soupirer. Kassem se rendit compte que son maître cherchait à déranger les roches. Tout à coup, il se sentit pris fortement par le poignet, et le derviche, le traînant violemment en arrière, le ramena dans un endroit où passait une bande de jour.

— Il y a quelque chose en toi, s’écria-t-il, qui nous empêche de réussir ! Je le vois maintenant, je le sais, j’en suis sûr ! Tu es honnête, tu es dévoué, tu es bon et fidèle ! Mais il y a quelque chose ! Je ne sais quoi ! Tu n’es pas tout entier à l’œuvre sainte ! Parle ! avoue !

— C’est vrai, répondit Kassem en tremblant, c’est vrai ; pardonnez-moi. Je ne suis pas tel que je devrais.

— Qu’y a-t-il ? s’écria le derviche en serrant les dents ; ne me cache rien, mon fils, il faut que je sache tout pour y porter remède. N’aie pas peur, parle !

Kassem hésita un moment. Il était devenu tout pâle. Il comprenait qu’il ne fallait pas hésiter. Il n’était pas là en présence du monde, mais en présence d’un redoutable infini.

— J’aime, dit-il.

— Quoi ?

— Amynèh !

— Ah ! malheureux !

L’Indien se tordit les mains et resta comme absorbé