son isolement, dans son abandon, l’amour, irrité et souffrant, ne lui ménageait pas les peines, et, cependant, il aurait dû comprendre que cet amour si fort pour le torturer, n’était cependant pas absolument victorieux ; car, après tout, malgré tout, Kassem, transpercé par cet aiguillon, ne rebroussait pas chemin ; il marchait, mais non pas vers Amynèh ; il marchait pour retrouver le derviche, et il semblait avoir au cou une chaîne qui le tirait. Cette chaîne, c’était son Kismèt, sa Part. Il s’était traîné, malgré lui, malgré ses sentiments, ses désirs, son cœur, sa passion, tout ; il marchait cependant et ne pouvait s’en défendre.
Ce qui était plus étrange, c’est qu’au fond il était loin de savoir ce qu’il allait chercher, et encore moins ce qu’il prétendait obtenir. L’Indien lui avait seulement prouvé toute sa puissance et assuré qu’il avait besoin de lui. Sa tête excitée, son imagination subitement embrasée, faisaient, disaient le reste. Il voulait voir, il voulait servir ; il entrevoyait vaguement des hauteurs et des profondeurs où planait le vertige ; il voulait irrésistiblement se jeter dans les bras, au cou de ce vertige, génie gigantesque dont les regards fixés sur ceux de son âme le fascinaient, et une fois dans ce giron terrible, il ne savait pas ce qui allait lui arriver ; mais il ne cherchait pas même à le pressentir. C’était, en vérité, le vertige auquel il en voulait.
Je ne sais pas si l’amour passionné peut jamais accepter qu’une autre passion soit pour lui une digne