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secrets ? Oh ! Amynèh ! mon Amynèh ! ma chère, ma bien-aimée Amynèh !

C’est grand dommage que les hommes, qui ont beaucoup d’imagination et de cœur, ne soient pas mis par la destinée à ce régime de ne vouloir qu’une seule chose à la fois. Comme tout irait bien pour eux ! Comme ils se donneraient libéralement, entièrement, sans réserve, sans scrupule et sans souci, à la passion unique qui les prendrait ! Malheureusement, le ciel leur impose toujours plusieurs tâches. Sans doute, parce qu’ils voient plus et mieux que les autres, ils ont laissé leurs pensées entrer en bien des endroits ; ils aiment ceci, ils aiment cela. Ils veulent, comme Kassem, posséder les secrets ineffables, et, comme lui, ils aiment une femme en même temps qu’ils aiment la science, et ne peuvent pas aimer avec modération, avec calme ; ce qui arrangerait tout. Non ! il faut, pour leur malheur, que les gens comme Kassem ne sachent rien faire à demi et demandent toujours d’eux-mêmes l’absolu en beaucoup de sens. Il leur arrive d’être, à peu près toujours, profondément malheureux par l’impuissance d’atteindre tout à la fois.

Si, au moins, il avait eu cette confiance que sa sœur Zemroud s’était efforcée d’inspirer à Amynèh : revenir dans un an, dans deux ans… Mais, non ! Il ne pouvait pas admettre cette consolation possible. Il savait que, une fois entre les mains du derviche indien, il pratiquerait pour toujours cette règle de conduite : la