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ma chérie ! Comment veux-tu que je fasse pour ne pas penser toujours à toi ? Songe donc à ce que tu es pour moi !… Est-ce que je le savais bien jusqu’à ce moment ?… Je n’avais jamais songé que je pouvais te perdre… Te perdre… Est-ce que je te perdrai ?

— Non ! tu ne me perdras pas. Je serai là, tranquille, chez ta sœur. J’aurai beaucoup de patience… j’aurai beaucoup de courage… Je suis sûre qu’il ne l’arrivera rien, Kassem ! Mets encore une fois ta tête sur mes genoux.

C’est ainsi que la nuit se passa entre le désespoir le plus poignant et les caresses les plus tendres, l’un consolant l’autre, et le plus souvent c’était Amynèh qui relevait la tête courageusement sous le mauvais traitement que leur infligeait le sort.

Quand le jour parut, ce fut elle qui appela les domestiques et leur ordonna de lever les tapis, d’enfermer toutes choses dans les coffres, de vider la maison ; elle envoya chercher des mulets et on transporta le ménage chez Zemroud-Khanoum. Les gens du quartier, mis en éveil par ce mouvement, étaient sortis de leurs maisons comme une fourmilière ; ils se tenaient, qui sur le pas de sa porte, qui dans la rue ou assis sur quelques auvents de boutique, sans compter ceux qui étaient montés sur leurs terrasses. Il y avait foule. Amynèh, quand elle vit qu’il ne restait rien au logis et que les quatre murs de chaque chambre étaient nus, s’enveloppa dans ses voiles et partit. Kassem la