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Beauté. C’est ma fille adoptive. Mon cœur saigne déjà en entendant vos paroles ; que sera-ce lorsqu’il faudra me séparer de cette enfant ? Je vais mourir de mille morts ; on m’enterrera ; on m’enterre ! Cela mérite considération. Combien me donnera-t-on pour consentir à de pareils sacrifices ?

Grégoire Ivanitch se caressa le menton :

— C’est, en effet, une affaire de conséquence. Omm-Djéhâne recevra un tiers de ce que donne le Kaïmakam ; j’aurai le second tiers comme ayant été le promoteur de cette heureuse union, et vous partagerez le troisième tiers avec notre bon et cher ami le maître de police. L’acheteur offre deux mille roubles argent.

— Deux mille roubles argent ? répondit la maîtresse chanteuse, d’un air consterné ; y pensez-vous ? Comment avez-vous pu écouter une pareille proposition sans éclater de rire ! Une fille, qui est une perle de vertu et d’innocence, qui n’a jamais dansé que devant les personnes les plus respectables, comme des généraux et des colonels ; tout au plus (une fois ou deux !) devant des majors ! Une fille qui parle le russe et le français comme ceux qui les ont inventés et qui peut écrire et lire, et qui sait la géographie ! Une fille qui…

Grégoire Ivanitch lui mit la main sur la bouche avec une douce familiarité et continua lui-même la litanie :

— Une fille qui est charmante, mais très-maigre, avec des yeux assez jolis, mais bleus, et pas très-tendres à l’ordinaire ; une fille qui sait une foule de belles choses, je l’avoue, mais qui manie également le couteau d’une manière fort agréable, comme j’en ai reçu moi-même la preuve dans l’épaule, et qui, par malheur, n’est pas toujours d’une humeur accorte ; une fille, enfin, qui est un diable incarné ! Pour ma part, je considère que la payer deux mille roubles, c’est faire son propre malheur aussi cher qu’il est possible.

— Mais un sixième de la somme et rien de plus pour moi !

— Vous voulez dire un tiers !

— Comment ? Mais je partagerai avec Paul Petrowitch !