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peignit en couleurs noires. Derrière les amants, menaçaient l’oncle et la bande meurtrière ; si en cachant leurs noms et à la faveur de quelques mensonges, ils réussissaient à se débarrasser d’Akbar-Khan, ils allaient dans quelques minutes, tout au plus dans quelques heures, retomber sous le péril qui, certainement, les guettait. Il était grand jour, ils ne pouvaient plus songer à se cacher. Ne sachant où trouver un refuge, ils allaient être repris et perdus. Se mettre sous la protection d’Akbar-Khan, toujours au moyen de quelque fraude et en se faisant passer pour autres qu’ils n’étaient, c’était périr à coup sûr. Osman-Beg n’allait probablement pas tarder à les dénoncer, à les faire connaître et alors non-seulement Akbar les ferait périr, mais il les traiterait de lâches et leur reprocherait, non sans apparence de raison, d’avoir eu peur de lui ; alors, que deviendrait Djemylèh ?

Dans son angoisse, Mohsèn la regarda ; un fier sourire brillait sur le visage de la jeune fille. Une inspiration singulière était dans ses beaux yeux. Elle ne dit pas un mot ; il la comprit :

— Je ne connais pas votre père, dit-il à Akbar, mais qui n’a pas entendu son nom ? Vous plaît-il de ne pas retirer la main que vous avez étendue sur ma tête ? Alors menez-moi auprès de lui et je vous parlerai à tous deux.

Le jeune chef fit un signe d’assentiment. Mohsèn se plaça à côté de son cheval ; Djemylèh marchait derrière lui ; les soldats reprirent la tête, et tous les Mouradzyys, avec les deux Ahmedzyys au milieu d’eux, protégés par eux, inconnus de tous, traversèrent les bazars, traversèrent la grande place, arrivèrent devant la citadelle, en franchirent la porte, encombrée de soldats, de serviteurs et de dignitaires, et, ayant parcouru deux ruelles étroites, parvinrent au palais occupé par Abdoullah-Khan, où toute la compagnie entra.

Akbar avait dit deux mots à un esclave beloutje, qui s’était hâté de le devancer dans l’intérieur de la cour. Au moment où le chef descendait de cheval, cet esclave revint, accompagné d’une servante qui, s’adressant à Djemylèh avec respect, l’engagea à la suivre dans le harem, où elle allait la conduire. Aucune proposition ne pouvait